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Actualité du dopage

La presse accusée d'incitation au dopage

15/05/2003 - Libération

Lutter contre le dopage n'est pas une sinécure. Mais après avoir assisté au procès du dopage amateur à Perpignan qui se poursuit aujourd'hui, les Don Quichotte de l'éthique sportive risquent de jeter l'éponge. Voilà que l'affaire Festina en 1998 et surtout sa large médiatisation (...) auraient eu pour conséquence d'inciter les cyclistes amateurs à se doper. Pour faire comme les professionnels, dont ils découvraient le dopage généralisé et organisé par les équipes elles-mêmes. Le «cyclisme d'en bas» aurait alors compris les recettes des exploits de l'élite, d'autant plus facilement que les prescriptions étaient détaillées à longueur de gazettes. Tant pis si le président Daniel Delegove a mené de façon très pédagogique les débats à Lille, soulignant (...) les dangers des dopants pour la santé des cyclistes. «Loin d'être un coup d'arrêt, l'affaire Festina a fonctionné comme une incitation au dopage», relève maître Maurice Halimi, avocat d'un coureur et d'un triathlète. (...)

(...) Bref, les cinq cents piqûres dans les fesses de Richard Virenque auraient créé des vocations. Les dopants utilisés par les frères Morel, EPO en tête ? «J'ai recopié les noms des produits en espagnol dans le magazine Sport et vie», raconte Christophe, double champion de France (...). «Après les affaires, les journaux ne parlaient que du dopage à propos du vélo, poursuit Jean-Guy Jurdie, un autre ancien coureur de catégorie régionale. J'ai lu dans Top Vélo des pages en couleurs sur le pot belge ou sur l'insuline. (...) Cela m'a poussé à consommer.»

Festina a aussi donné des idées à d'autres sportifs. Mathias Mure, le triathlète, s'est plongé dans deux livres : Secret défonce d'Erwann Menthéour et Massacres à la chaîne de Willy Voet. L'ancien soigneur de Festina a accepté de venir témoigner hier à Perpignan pour son ancien coureur et ami de Festina, Thierry Laurent, seul coureur pro poursuivi. «Rien n'a changé en matière de dopage dans le cyclisme. (...) Quand j'ai été arrêté en juillet 1998, j'ai commencé par nier. Quand je me suis mis à parler pour libérer ma conscience, on a dit que je crachais dans la soupe. La vérité n'est pas appréciée dans cette bulle. Si on en sort, personne ne veut plus de toi. Thierry Laurent connaît la même épreuve aujourd'hui.» Willy Voet ne dit pourtant pas que le dopage en milieu amateur est obligatoire. «Un coureur peut passer pro sans se doper. J'ai d'ailleurs bien connu Christophe Bassons dans mon équipe qui refusait tout. Mais on le reste pas longtemps.» Le «coureur propre» du procès Festina a été éjecté du Tour 99 par le peloton emmené par Lance Armstrong, dans l'indifférence des instances du cyclisme. Ce qui n'empêche pas la Fédération française d'être à nouveau partie civile à Perpignan.

(...) Le recours au dopage est pourtant sévère dans le monde amateur, car réalisé en dehors de tout suivi médical. «L'Internet aujourd'hui offre un véritable supermarché du dopage aux coureurs qui n'ont plus besoin de consulter un médecin pour se doper», avertit le docteur Jacques Lenard, poursuivi pour avoir donné des corticoïdes à deux patients sportifs, pour éviter, avec succès, qu'ils ne tombent dans le pot belge et l'EPO, plus dangereux à ses yeux.

La noirceur du tableau dressé à l'audience a dû inciter le parquet à ne requérir que des peines avec sursis, y compris pour les prévenus à qui l'on reproche un trafic lucratif de plusieurs centaines de pots belges. (...) Parce qu'il a incité et revendu, Thierry Laurent, l'ancien pro est menacé de deux ans avec sursis, la plus grosse peine requise. Eric Magnin, vice-champion du monde sur piste en 1993 et Christophe Morel : 12 mois avec sursis, Frédéric, le frère de ce dernier, 18 mois avec sursis. Le parquet met les trois médecins poursuivis dans le même sac de «médecins de campagne et non médecins d'équipe». Bernard Stoïcheff a pourtant suivi Gan puis le Crédit agricole. Le tribunal ne sera peut-être pas aussi clément. Mais nul doute que le procès de Rennes jugeant l'affaire Béon en janvier dernier restera une exception répressive. Patrick Béon, qui a fait appel, avait écopé de trois ans de prison dont deux ans ferme.


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Notre post-scriptum

L'article évoque par erreur "Bernard" Stoïcheff. Il s'agit en fait d'Hervé Stoïcheff.


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