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Brève |
Cette année, le Slovène a commencé sa saison le 17 février à l'UAE Tour. Il remporte le classement général après sept jours de compétition, ponctués par deux victoires d'étape et une troisième place sur le chrono. Sur les autres étapes, il finit aux 10ème, 46ème, 36ème et 43ème places. Puis vint la saison des classiques, sept autres compétitions où il a réalisé des podiums à chacune d'entre elles, avec quatre victoires (les deux monuments Tour des Flandres et Liège-Bastogne-Liège, plus la Flèche wallonne et les Strade Bianche) et deux secondes places à l'Amstel Gold race et Paris-Roubaix auxquelles s'ajoutent une troisième place à Milan-San Remo. Ses deux dernières victoires à la Flèche et Liège-Bastogne-Liège sont impressionnantes. Ses démarrages dans le Mur de Huy, assis sur la selle « pour ne pas faire déraper la roue arrière » sur la route humide et dans la côte de la Redoute, encore une fois assis sur la selle, mais sur route sèche, ont l'air facile. Son visage reste inexpressif dans l'effort, un peu comme Eddy Merckx à qui on le compare souvent. Mais en réalise-t-il un ? Ses poursuivants sont à fond, dressés sur les pédales. Ils sont réduits à l'état de pauvres juniors époumonés. Le spectacle est gênant. On n'y croit pas. On cherche une explication. Son équipe UAE Team Emirates XRG utilise-t-elle encore le monoxyde de carbone pour « bonifier » le passeport sanguin de ses coureurs ? L'UCI qui a banni la pratique n'est pas en mesure de le contrôler ! Visma-Lease a bike, ne l'utilise plus, c'est Jonas Vingegaard qui l'a dit ! L'équipe hollandaise n'est plus aussi dominatrice et sa campagne des classiques est ratée (à part côté féminin avec Pauline Ferrand-Prévot à Paris-Roubaix).
UAE compte déjà 40 victoires cette année avec 17 coureurs sur 29. Le total est déjà supérieur à celui de 2024 (39 au 6 juin 2024 et 81 au total). Plus d'un coureur sur deux gagne chez UAE. La statistique fournie par Pro Cycling Stats est à faire pâlir les autres directeurs sportifs. Comment expliquer cette domination ? Le budget de l'équipe permet un recrutement de lieutenants qui pourraient être leaders dans d'autres équipes. Une préparation médicale sûrement très poussée, voire un dopage sanguin microdosé indétectable (#1) et l'utilisation de nouvelles substances et méthodes légalisées mais dopantes n'est pas à exclure (comme le monoxyde de carbone en 2024). L'AMA n'a rien vu venir, elle n'est plus là pour lutter contre le dopage. L'a-t-elle jamais été ? En 1999, le CIO avait traîné les pieds pour suivre l'idée de la ministre Marie-George Buffet. On peut imaginer aussi une complicité de l'UCI et de l'ITA. La lutte antidopage est devenue totalement inefficace et dépassée.
Génomique de la performance
La dernière hypothèse qui exonèrerait le Slovène serait celle de la mutation génétique dont il serait atteint et qui augmenterait naturellement son taux d'EPO et de globules rouges. Mais cette hypothèse se heurte à une question : comment expliquer que la plupart des coureurs d'UAE tournent à plein régime en même temps et que certains semblent avoir franchi un nouveau cap, tel Joao Almeida ? Concernant une prédisposition génétique, on découvre que de nombreux champions étaient dans ce cas. Le skieur de fond finlandais Eero Mäntyranta dominait ses adversaires dans les années 60, à l'image de Pogacar actuellement (2). Pour le skieur, cela ne l'avait pas empêché d'utiliser amphétamines et stéroïdes malgré son érythrocytose constitutionnelle non maligne (ECYT1) provoquée par une rare mutation sur le gène du récepteur EPOR. D'autres mutations existent et favorisent la performance : en 2000, des équipes ont mis en évidence la mutation JAK2V617F au niveau du récepteur EPOR. Elle est impliquée dans la maladie de Vaquez ; son variant exon 12 provoque une érythrocytose à évolution lente dans la malignité de cette maladie. Un autre skieur de fond, Jean-Marc Gaillard, avait été inquiété en 2006 pour passeport sanguin anormal ; il était en fait porteur de la mutation du gène HFE. La présence de la mutation H63D et à moindre degré C282Y est considérée aujourd'hui comme favorable à la performance sportive de type aérobie, de même que les érythroses constitutionnelles ECYT1-ECYT6.
La génomique de la performance devrait pouvoir être utilisée comme outil de communication par les sportifs, surtout en cas de passeport sanguin anormal. Toute performance fait naître actuellement des soupçons, surtout bien entendu, en cyclisme. Mais apparemment, UAE n'est pas prête à communiquer. Entre 2008 et 2015, un internaute non identifié avait tenté de supprimer une bonne vingtaine de fois en vain les paragraphes de Wikipédia consacrés aux allégations de dopage de Mauro Gianetti, le directeur sportif de Pogacar. Était-ce Gianetti lui-même ?
(1) De très faibles doses d'EPO disparaissent en quelques heures et ne perturbent pas le passeport sanguin tout en augmentant le VO2 max de quelques pour cent.
(2) Anecdote amusante : Pogacar discutait de sa nouvelle montre avec Geraint Thomas sur les premières côtes de Liège-Bastogne-Liège. Thomas a déclaré devoir couper court à ce bavardage : il était déjà à 420 watts ! A combien était le Slovène ?
Marc Kluszczynski est pharmacien
Il est titulaire du diplôme universitaire de dopage de l'université de Montpellier (2006)
Il est responsable de la rubrique "Front du dopage" du magazine Sport & Vie et collabore à cyclisme-dopage.com
Cette page a été mise en ligne le 06/06/2025