Actualité du dopage

Chris Froome, sous le guidon les soupçons


14/07/2015 - liberation.fr - Pierre Carrey

Alors qu'il a assommé le Tour ce mardi, le maillot jaune pourrait s'inquiéter : certaines de ses données d'entraînement auraient été dérobées par un pirate informatique.

Une sorte de WikiLeaks pourra-t-il bientôt prouver le dopage de Chris Froome, l'intraitable maillot jaune du Tour de France, vainqueur ce mardi au sommet de la Pierre-Saint-Martin, dans les Pyrénées ? Ou, au contraire, la fuite d'informations scientifiques contribuera-t-elle à démontrer qu'il est propre ? Son équipe, la Team Sky, s'attend à une polémique (voire un scandale), parce que les données d'entraînement du coureur auraient été dérobées par un pirate informatique.

Les soupçons sont apparus lundi soir, après la mise en ligne d'une étrange vidéo anonyme et apparemment accusatrice sur Youtube, qui divulguerait des informations physiologiques sur le coureur, accompagnées d'images de l'ascension du Mont Ventoux, dans le Tour de France 2013, où Froome s'était imposé en force. La vidéo, que nous n'avons pu consulter, a été retirée lundi dans la soirée.

La publication de ces données relève d'une infraction, celles-ci étant collectées à l'entraînement ou en course (par un capteur de puissance) pour un accès très restreint, réservé à l'athlète concerné et à son encadrement. Ces informations (par exemple la puissance, la fréquence cardiaque, la vitesse, etc) demeurent confidentielles dans la plupart des équipes, notamment afin que les adversaires ne puissent pas s'inspirer des méthodes d'entraînement ou déceler une éventuelle période de forme ou de méforme à venir.

DÉJÀ UNE «OPÉRATION TRANSPARENCE» EN 2013

Mais l'obtention et l'exploitation des données d'un coureurs est aussi susceptible de signaler une performance suspecte et donc la prise de produits dopants. «A partir des fichiers informatiques, une personne compétente est en mesure d'établir le dopage d'un athlète, explique à Libération Lionel Lahoun, entraîneur. Les soupçons peuvent apparaître sur une performance exceptionnelle d'une journée qui est sans rapport avec les qualités physiques d'un athlète, mais il est préférable de disposer d'un relevé sur le plus long terme, par exemple sur une saison ou même quelques semaines consécutives.»

Pour lever le voile sur les performances de Chris Froome dans le Tour 2013, la Team Sky avait accepté de transmettre les fameuses données à l'un des meilleurs experts en physiologie du sport, Frédéric Grappe, présenté alors comme «indépendant», mais conseiller à l'équipe de la FDJ (Française des Jeux). Ses conclusions étaient parues dans l'Equipe du 19 juillet 2013 (mais sans les données brutes, pas même le poids du coureur !). Elles étaient très favorables au Britannique, puisque l'expert français dressait quatre constats : «Sa puissance s'émousse naturellement» (il fatigue de manière normale), il possède «un potentiel aérobie hors du commun», «un poids très stable» et d'«excellentes qualités de récupération».

Le choix des titres de l'Equipe soulignait l'apparente innocence de Chris Froome. Ce qui a conduit d'autres experts (dont Antoine Vayer, dans Libération), à dénoncer une «opération de communication», voire une «manipulation». Par ailleurs, le Team Sky avait accepté de fournir des données sur une période de deux ans seulement, trop courte pour tirer des conclusions solides. A titre de comparaison, les informations biologiques de Thibaut Pinot s'étendent sur six ans et Frédéric Grappe les a rendu publiques en novembre passé, dans un article publié par le Journal of Sports Sciences.

BIENTÔT UN «PASSEPORT PHYSIOLOGIQUE» ?

Alors que Froome n'a plus jamais fait circuler d'informations sur ses données depuis 2013, la transparence demeure un enjeu et une possible arme dans la lutte antidopage. Plusieurs spécialistes préconisent l'utilisation d'un Profil de Puissance Record (PPR). Ce «passeport physiologique» viendrait compléter le «passeport biologique» mis en place par l'Union cycliste internationale (UCI) en 2008, en faisant apparaître des variations de forme anormales ou des dépassements suspects du potentiel physique de l'individu.

Selon le contenu des données piratées, Chris Froome s'expose ainsi, au minimum, à une forte controverse. Dans The Telegraph, son manageur David Brailsford a déploré le principe d'un vol informatique : «Sur le plan éthique et moral, si vous vous apprêtez à accuser quelqu'un de dopage, alors vous ne devez pas tricher.»

Interrogé sur ses performances phénoménales dans le Mont Ventoux en 2013, Froome a répondu ce mardi soir : «C'est une vieille histoire.» Quant au vol des données, il dit «ne pas savoir très bien» de quoi il retourne et souligne qu'elles sont vieilles d'il y a deux ans. A voir la façon dont il a assommé la course dans l'étape Tarbes - la Pierre-Saint-Martin, avec près d'une minute d'avance sur son coéquipier Richie Porte, la transparence des informations reste plus que jamais d'actualité.


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Notre post-scriptum

La vidéo peut être consultée en cliquant ici.


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Cette page a été mise en ligne le 14/07/2015