Actualité du dopage

Bernard Sainz : "Ma dernière interpellation, un scandale"


27/08/2014 - lejournaldelorne.fr - Pauline BAUMER

- Vous êtes une nouvelle fois les gros titres dans une affaire de dopage, celle dite Medi-14 (...) ...

- L'enquête préliminaire diligentée par la brigade de gendarmerie de l'OCLAESP (Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique) portait ce nom de code Medi-14, que je n'ai d'ailleurs toujours pas su décoder à ce jour. On se croirait dans une affaire de grand banditisme, de terrorisme ou de pédophilie.

Il a été mis en place des écoutes téléphoniques durant plus de deux ans, de 2008 à 2010, sur lesquelles je n'apparais à aucun moment. Mais, à chaque audition, dans toutes mes affaires, les enquêteurs demandent systématiquement aux intéressés, notamment durant leur garde à vue, s'ils me connaissent.

"Une aberration"

C'est ainsi que deux des interpellés, Stéphane Belot et Fabien Taillefer ont déclaré en 2010 m'avoir rencontré par le passé, non pas pour se doper, mais pour des problèmes de santé qu'ils n'avaient pas pu résoudre par la médecine traditionnelle. Les sportifs n'ont qu'à consulter des sites Internet qui exposent les protocoles élémentaires de dopage pour passer à travers les mailles du filet.

Il est donc fort troublant que le juge d'instruction m'ait convoqué en avril 2014, soit quatre ans après leurs déclarations, en m'informant de son intention de me mettre en examen sans même m'avoir entendu. Ce qui est complètement contraire aux usages en la matière.

- Quelles charges pèsent sur vous ?

- Il semblerait que Stéphane Belot ait insinué, mais seulement lors de sa toute dernière audition, qu'il pensait qu'un flacon de gouttes, que je lui ai donné en 2005, pouvait renfermer un produit « masquant ». C'est vraiment la toute première fois qu'un coureur cycliste m'accuse d'une telle aberration.

Toutes les substances masquantes sont sur la liste des produits interdits. Dès lors, tous les sportifs auxquels j'ai transmis de telles gouttes auraient dû être déclarés positifs lors d'un contrôle antidopage. Ce qui n'a jamais été le cas. Cependant, je tiens à préciser que je ne suis aucunement poursuivi par le trafic de produits dopants mis à jour par ladite brigade.

- Vous avez donc soigné Stéphane Belot ?

- Oui, c'était il y a une dizaine d'années, en 2003 ou 2004, pour une hernie inguinale très douloureuse que les traitements conventionnels ne parvenaient pas à guérir. Il souhaitait éviter l'intervention chirurgicale préconisée. Mais depuis 2005, je ne le voyais plus.

"Une exécution sur la place publique"

- La mort de Stéphane Belot vous a-t-elle étonnée alors ?

- Depuis dix ans, je l'avais perdu de vue et ne savais donc pas ce qu'il était vraiment devenu. Mais j'avais été averti par la presse dès 2010 qu'il avait été mêlé à cette affaire de dopage et suspendu deux ans par la Fédération pour s'être dopé.

Toutefois, quand j'ai appris le 19 mai 2014 qu'il s'était éteint, j'ai été beaucoup plus qu'étonné, profondément choqué, voire très perturbé qu'il soit parti si vite, à seulement 30 ans.

D'autant que la présente affaire n'est pas tout à fait étrangère à son départ. Quand un sportif fait la une des médias en matière de dopage, quand il est pénalement incriminé, c'est une sorte d'exécution sur la place publique. Il sombre vite dans un profond désarroi et en alarmante dépression.

Outre Stéphane Belot, bien d'autres sont décédés dans des conditions souvent mystérieuses.

- Quel regard portez-vous sur cette affaire de dopage qui a fait quelques remous en Normandie et en Bretagne ?

- Ce sont les instances de lutte antidopage qui ont mis en place en France des textes législatifs afin de voir la justice intervenir dans petits réseaux d'approvisionnement illégal de produits dopants, et ce depuis l'affaire Festina de 1998. Afin de démontrer à l'opinion publique que la lutte antidopage est d'une grande efficacité, alors qu'il n'en est rien.

Il faut bien justifier les énormes subventions qu'elles reçoivent à ce titre. Il ne s'agit, ni plus ni moins, que de pitoyables opérations de marketing. Cependant, la justice ne considère pas ces délits comme constituant un trouble majeur à l'ordre public.

En m'interpellant, alors que je suis le premier à avoir introduit les médecines douces dans le monde du sport dans les années 70, on fait croire que le dopage est ardemment combattu mais on se trompe de cible. C'est un véritable scandale, mais aussi la démonstration que la justice est instrumentalisée par les instances qui gouvernent la lutte contre le dopage.

- Beaucoup de personnes pensaient cette affaire Medi -14 classée. Pourtant vous réapparaissez là...

- Tout à fait. Dès 2010, tous ceux qui suivaient ce dossier par voie de presse étaient informés que les faits reprochés aux cyclistes étaient caractérisés et que ceux-ci seraient rapidement renvoyés devant le tribunal afin d'y être jugés. Il en a été tout autrement.

L'affaire s'est enlisée durant quatre ans et un nouveau juge d'instruction a été nommé. Avec mon incrimination, fort tardive, j'ai l'impression que la justice essaie de sauver la face en lui donnant plus d'écho médiatique.

(...)

"Un ballon de baudruche qui se dégonfle"

- Comment pensez-vous vous défendre ?

- Cette affaire Medi-14 ne me fait pas peur vous savez, j'ai déjà gagné 56 procès en diffamation ! Je ferai état de l'affaire de 1999 dans laquelle la brigade des stupéfiants du 36 quai des Orfèvres soupçonnait que ces mystérieuses gouttes de ma composition renfermaient des produits dopants d'avant-garde. Or, les expertises toxicologiques ont parlé.

Elles ont conclu qu'elles ne contenaient aucune substance stupéfiante, dopante ou vénéneuse, qu'elles étaient strictement homéopathiques ou phytothérapiques et ne présentaient aucun effet masquant. (...)

Et puis, je rappellerai l'affaire dite Porzier, de 2005, une autre supposée affaire de dopage de chevaux. Le magistrat-instructeur s'est soudainement orienté, deux ans après, vers les cyclistes. Dix-huit d'entre eux ont été auditionnés dans un silence assourdissant.

Un double non-lieu est intervenu à mon égard concernant le dopage de chevaux et de cyclistes. Stéphane Belot avait également été entendu dans ce dossier en 2005. Et là, il avait affirmé que mes gouttes étaient uniquement homéopathiques. Il ne peut donc manifestement pas dire, à dix ans d'intervalle, tout et son contraire.

(...)

"Je ne désespère pas de connaître la vérité"

- Qu'est-ce qui a poussé Stéphane Belot à une telle déclaration alors ?

- Lors de toutes ces interpellations et gardes à vue, les coureurs sont en état de choc et fragilisés. Si on trouve une substance interdite chez des cyclistes, ils subissent des pressions terribles me concernant et s'ils disent que j'en suis le fournisseur, alors ils n'auront plus aucune charge contre eux. C'est du moins l'argument qui leur est présenté par les enquêteurs. Ce sont des coureurs interpellés qui m'en ont informé. Stéphane Belot n'a pu y échapper.

Ce qui m'intrigue au plus fort, c'est qu'il est décédé juste après avoir reçu sa convocation par le juge d'instruction qui voulait nous entendre dans le cadre d'une confrontation. C'est ce recoupement qui est hallucinant. Je ne désespère pas de connaître la vérité.

- Vous semblez en colère ?

- En effet ces affaires commencent à m'excéder. J'ai donc l'intention de contre-attaquer en déposant plainte pour que toute la lumière soit faite sur cette dernière affaire. Des rumeurs ont en effet circulé qu'un des gendarmes de l'OCLAESP serait resté constamment en contact avec Stéphane Belot et Fabien Taillefer, bien après que leur enquête soit terminée.

"Ma médecine naturelle dérange"

(...)

- Vous pratiquez alors toujours la médecine ou êtes-vous en retraite ?

- Je suis en retraite depuis 6 ans en effet. Mais, je ne peux me soustraire à des sollicitations de membres de ma famille ou de proches amis qui présentent des soucis de santé et qui souhaitent absolument recourir à mes préceptes thérapeutiques. J'ai bien conscience que c'est ma médecine naturelle qui dérange et beaucoup plus que je ne pouvais l'imaginer.


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Cette page a été mise en ligne le 27/08/2014