Actualité du dopage

Europcar joue-t-elle double jeu ?


07/07/2012 - cyclisme-dopage.com - Marc Kluszczynski

Quelques jours avant le départ du Tour de France, Damien Ressiot, le journaliste de L'Equipe spécialisé dans les affaires de dopage, révélait que l'OCLAESP enquêtait sur l'équipe Europcar. Celle-ci est accusée d'avoir utilisé les perfusions de récupération et les corticoïdes sur le Tour 2011 et certaines compétitions en 2012. Dès 2011, les perfusions de récupération à l'aide de sérum glucosé, salé ou de solutions de vitamines deviennent interdites si elles dépassent un volume de 50 ml toutes les 6 heures (autant se réhydrater en buvant). Les corticoïdes eux sont interdits en compétition par voie orale, rectale, intramusculaire et intraveineuse. Les autres voies sont autorisées, dont la voie inhalée, vraisemblablement utilisée assez fréquemment chez les cyclistes pro en raison de la broncho-constriction induite par l'exercice et des infections pulmonaires en début de saison. Or, on commence à se rendre compte que cette voie peut avoir un effet systémique. Celui-ci est signalé dans le Dictionnaire des médicaments (Vidal) depuis deux ans et des cas d'insuffisance surrénalienne aigüe suite à l'utilisation de corticoïde inhalé sont documentés.

A partir du moment où l'organisme bénéficie d'un apport de corticoïde par voie exogène, les corticosurrénales diminuent la production de cortisol endogène par rétrocontrôle. C'était le cas de Mickaël Delage (FDJ-Big Mat) au championnat de France de St Amand suite à une utilisation de Sérétide®.

Une autre explication à l'effondrement du cortisol est aussi possible : l'état de fatigue avancée dans laquelle peut se trouver un sportif. Preuve en est la diminution du cortisol au cours des trois semaines d'un grand Tour. L'absence de dopage (EPO, testostérone...) serait alors un élément aggravant pour le sportif. Aux 4 Jours de Dunkerque en mai dernier, la FFC avait effectué des tests du cortisol sur 20 coureurs. Anthony Charteau (Europcar), meilleur grimpeur du Tour 2010, avait dû quitter la compétition suite à une cortisolémie effondrée. Maladroit, son Directeur sportif, Jean-René Bernaudeau, avait dans un premier temps donné l'explication d'une blessure au genou, ce qui avait du alimenter la rumeur, car des blessures au genou (tendinites ?) chez plusieurs coureurs de la même équipe n'est jamais bon signe. Les manquements à la règle de localisation de Sébastien Turgot n'ont rien arrangé et ont contribué à diriger les regards suspicieux vers l'équipe vendéenne.

Suite à un cortisol effondré, le MPCC recommande une mise au repos de huit jours du cycliste, le temps que l'organisme puisse récupérer et que les surrénales resynthétisent le cortisol. Charteau évoquait d'ailleurs une grande fatigue.

Les coureurs propres seraient donc victimes de la législation laxiste sur les corticoïdes qui favorise le soupçon : il est tout à fait possible de s'injecter de la triamcinolone et soutenir avoir utilisé une crème à base de la même substance. Le Docteur Mégret, médecin à la FFC, parlait l'année dernière du retour des corticoïdes dans le peloton. Une réunion des équipes du MPCC a eu lieu fin juin et on suppose que les règles de bon usage de ces substances ont été reprécisées.

Néanmoins, un taux de cortisol abaissé devrait laisser penser à l'éventualité d'un entraînement mal géré, où le cycliste n'a pas pris le temps de bien récupérer, ou à l'utilisation de corticoïdes inhalés hors pratique dopante. Sous cet éclairage, les soupçons jetés sur l'équipe Europcar doivent être pris avec prudence et discernement. Y a-t-il un détournement de l'usage des corticoïdes inhalés chez Europcar ? C'est possible. Mais en l'absence de preuve, on ne saurait l'affirmer.


Marc Kluszczynski est pharmacien
Il est titulaire du diplôme universitaire de dopage de l'université de Montpellier (2006)
Il est responsable de la rubrique "Front du dopage" du magazine Sport & Vie et collabore à cyclisme-dopage.com


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Cette page a été mise en ligne le 07/07/2012