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Actualité du dopage |
Pierre Bordry, président du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD)
Quel est le bilan des contrôles antidopage réalisés sur le Tour de France 2006 ?
180 prélèvements - dont 149 urinaires et 31 sanguins - incluant 84 recherches d'érythropoïétine (...). Au total, 105 coureurs - sur les 199 partants - auront été contrôlés. 16 prélèvements (9 %) correspondant à 13 coureurs - dont un au Luxembourg - se sont révélés positifs.
Il faut également préciser que les contrôles qui se sont révélés positifs sont uniquement issus des contrôles urinaires, sachant que l'on ne recherche aujourd'hui dans les prélèvements sanguins que deux substances et procédés : les hémoglobines modifiées et les transfusions homologues (...).
Parmi ces 13 coureurs contrôlés positifs, seul Floyd Landis, le vainqueur de l'épreuve, a été déclaré positif, à la testostérone. Pourquoi ?
Hormis le cas de Floyd Landis, l'Union cycliste internationale (...) a classé tous les dossiers car elle a estimé que tous ces coureurs disposaient d'autorisations à usage thérapeutiques (AUT) leur permettant l'utilisation, en compétition, des produits interdits retrouvés dans leurs urines. Ce n'est pas surprenant puisque c'est l'UCI elle-même qui délivre ces AUT. Ce qui est inquiétant, en revanche, c'est le nombre élevé d'AUT délivrées.
60 % des 105 coureurs contrôlés ont déclaré une AUT. Cette indication statistique nous laisse penser qu'il y a beaucoup d'excès dans le peloton qui restent incontrôlés. C'est assez troublant. Le sport, qui est censé donner la santé, semble dans certaines disciplines plutôt source de problèmes. Il est tout à fait justifié que des AUT soient délivrées dans des sports où, par exemple, les pratiquants sont plus âgés comme le golf ou le tir à l'arc, ou quand elles sont destinées à des personnes qui ont des problèmes cardiaques. En revanche, 60 % de justifications thérapeutiques sur le Tour suscite des doutes sérieux et laisse à penser qu'elles peuvent cacher des pratiques dopantes.
L'Américain Floyd Landis a présenté une AUT pour la prise de corticoïdes. Le coureur a-t-il déclaré le même type de justification pour la testostérone ?
Floyd Landis n'a déclaré aucune AUT l'autorisant à prendre de la testostérone. Lors du Tour de France, aucun des contrôles qu'il a subi n'a été positif aux corticoïdes. (...)
Hormis la testostérone, quels types de substances ont-ils été détectés pendant le Tour de France ?
Nous avons détecté trois classes de substances différentes : un agent anabolisant (testostérone), huit béta-2 agonistes (salbutamol et terbutaline) et huit corticoïdes (budésonide et prednisolone). Dans ces trois cas, nous sommes en recul par rapport au Tour 2005. L'an dernier, le nombre de prélèvements positifs était de quatre pour les anabolisants, onze pour les béta-2 agonistes et treize pour les corticoïdes. En ce qui concerne ces derniers, la triamcinolone, molécule de corticoïdes la plus retrouvée les années précédentes, a totalement disparu.
Comment expliquez-vous cette baisse du nombre de contrôles positifs ?
Il y a plusieurs explications. La principale, d'ordre technique, tient à la mise en place, en 2005, d'un seuil de détection des corticoïdes fixé à 30 ng/ml et en dessous duquel un contrôle n'est plus considéré positif. Le CPLD avait fait part de ses réserves à l'Agence mondiale antidopage (AMA) quand elle a décidé de fixer ce seuil, et les a renouvelées cette année. Celui-ci, de surcroît unique pour toutes les familles de corticoïdes, nous semble particulièrement mal adapté à cette substance. Conjugué avec le principe de l'AUT, le seuil permet qu'une pommade à base de corticoïdes que l'on prend par exemple pour traiter une piqûre de guêpe puisse masquer la prise de corticoïdes dans un but d'amélioration de la performance.
Avant le départ du Tour de France, la police espagnole a mis en évidence que de nombreux cyclistes professionnels recouraient toujours aux transfusions sanguines et à l'EPO. Or, aucun de ces procédés ou substances n'a été détecté sur le Tour ?
On peut effectivement se demander, de façon plus globale, si les contrôles sont bien adaptés aux pratiques dopantes. On parle de plus en plus de dopage, il y a de plus en plus d'affaires et, paradoxalement, les contrôles positifs sont en régression constante (27 % en 2003, 25 % en 2004, 15 % en 2005 et 9 % en 2006) alors même que le nombre de contrôles pratiqués n'a jamais cessé d'augmenter. La nouvelle Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), qui prendra la suite du CPLD à partir du 1er octobre, aura pour mission d'élaborer la stratégie des contrôles. Nous devrons ainsi nous efforcer de mettre en place des contrôles véritablement inopinés (...). Nous aurons aussi pour volonté de développer la recherche de façon que les contrôles et les analyses ne soient pas totalement inadéquats par rapport aux pratiques dopantes. Car aujourd'hui, il y a encore un trop grand décalage entre le système de contrôle et d'analyse et la réalité du dopage.
Cette page a été mise en ligne le 09/09/2006