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Egan Bernal : un point d'honneur à être le plus surpuissant parmi 5 suspects


05/06/2021 - cyclisme-dopage.com - Antoine Vayer

Commentaires, chiffres, profils de puissance et portraits des acteurs

Le Giro 2021 a confirmé le redouté retour aux performances des « années Armstrong ». Nous les mesurons depuis deux ans, las, à un niveau trop élevé pour être honnêtes, dans tous les grands tours, Italie, France, Espagne et dans leurs épreuves satellites.

Le phénomène résurgent est revenu après une petite dizaine d'années passées à un niveau, non pas NORMAL, mais qui semblait disons décent. Un coureur humain de grand talent pouvait espérer faire un « top 5 » (voir tableau historique Giro entre 2012 et 2019). Cette perspective, c'est fini pour les vertueux. Soit ils rendront les armes et se contenteront de viser des victoires d'étapes, soit ils devront tricher avec l'éthique pour développer autant de watts que c'est redevenu nécessaire. Ces performances n'ont pas soudainement et à nouveau augmenté grâce aux améliorations technologiques ou de celles des routes, des connaissances humaines et scientifiques, de la systématisation des entrainements en altitude, du travail acharné et rationalisé de scientifiques dans leur encadrement, d'une meilleure approche diététique ou de micronutrition avec des produits de synthèse comme des cétones. Ce sont des leurres. Non, ces performances sont issues de l'utilisation de méthodes ou de pharmacopées, médicales et paramédicales, légalisées ou non. Ces performances, je les qualifie de NOTNORMAL. Nous le savions, nous en parlons avec certains acteurs professionnels. Le Giro les confirme.

Comme depuis plus de 25 ans, nous avons pu placer cette année cinq cols radars tests de plus de trente minutes de moyennes (~33') sur ce Giro, « grand tour le plus dur du monde », en fin d'étapes montagneuses. C'est-à-dire là où la fatigue devait se faire ressentir, avec cette année une météo souvent difficile antagoniste avec le haut niveau de performances. Que nenni. Nous avons disséqué les ascensions de manière indirecte (calculs) et directe avec certains fichiers ressources de coureurs. Les chiffres et les hommes ont parlé.

Les radars du Tour d'Italie 2021
Source : chronoswatts.com - 04/06/2021

Cinq athlètes ont en moyenne dépassé la limite verte humaine. Cette « green aera » ne signifie pas que les coureurs en deçà n'ont pas pu se doper. Mais 410 watts est une limite (vraiment haute) qui reste accessible à des coureurs qui ne tricheraient pas avec l'éthique. Entre 410 et 430 watts de moyenne sur ces types d'ascensions pour un grand tour, cette zone jaune est « suspecte ». C'est le moins qu'on puisse dire. D'ailleurs pendant des années dans le journal LIBERATION, je la nommais dans mes chroniques « zone du dopage avéré ». Ensuite, entre 430 et 450 watts de moyenne dans nos radars, c'est la zone orange miraculeuse. Au-delà, c'est la zone rouge mutante.

Humain - Suspect - Miraculeux - Mutant

La méthode est implacable. Tous les mutants et les miraculeux se sont fait rattraper par la patrouille. Tous les suspects ont, soit été mêlés à des affaires, soit vont l'être un jour, ou alors de manière officieuse, avec leur entourage disons mafieux, souvent constitué d'anciens tricheurs. Nous savons qu'ils utilisent des moyens qui ne sont pas éthiques. Un jour, ils parleront. C'est le temps qui a confondu Wiggins et Froome par exemple, même s'ils gardent officiellement leurs titres. On ne peut pas faire confiance aux institutions pour combattre le phénomène du pas vers la légalisation. En 2013 nous avons publié un magazine expliquant ces différentes zones, en Français « La Preuve par 21 », en Anglais « NOTNORMAL », en allemand « NICHT NORMAL ». Il est téléchargeable gratuitement ici.

Tableau historique des performances au Giro

Le Watt Etalon correspond à la puissance en watts qu'un athlète de 70 kilos aurait à pousser pour suivre, ce qui permet de bien comparer les athlètes lourds ou légers. En watts/kilos, réels, le cap des 6 watts/kilos est en train d'être franchi à nouveau !

Les puissances en watts-étalon des 28 derniers vainqueurs du Tour d'Italie
Source : chronoswatts.com - 04/06/2021

Ce tableau historique montre bien qu'au Giro, (comme au Tour de France ou à la Vuelta pour lesquels nous tenons à jour les mêmes comparatifs), nous vivons un retour en arrière depuis deux ans. C'est peut-être un effet du confinement et de la liberté qu'il a octroyé à ceux qui, en phase de préparation, ont su en profiter. « Pour pédaler heureux en compétition, vivons caché en préparation », c'est le nouveau credo.

À ce propos, l'australien Jai Hindley, 2nd sur le Giro 2020 est transparent et fait pour l'instant une saison blanche. Il a abandonné avant même d'aborder nos 5 radars de ce Giro 2021, comme il avait abandonné le Tour des Alpes et le tour de Catalogne auparavant. Tao Geoghegan Hart, lauréat du Giro 2020, a lui enfin réalisé sur le Dauphiné sa première performance significative de l'année. Ils avaient pourtant réalisé des performances délirantes à la Armstrong l'an passé. Nos deux compères seraient-ils des cyclistes comètes, à la Berzin, vainqueur en 1994 ?

A noter que sur ce Giro, deux anciens vainqueurs ont bénéficié d'un « passeport sanitaire inversé » ! Basso (435 Watts Etalon miraculeux en 2006, 405 WE en 2010) et Contador ( 418 WE en 2011, 407 en 2015), qui ont tous les deux été suspendus deux ans pendant leur carrière, ont managé leur équipe qu'ils ont créé ensemble. On peut parler. Un de leurs poulains, Lorenzo Fortunato, sans aucune référence au compteur, a gagné en Eurovision l'étape la plus prestigieuse. Il s'agit de sa seule victoire chez les professionnels : au sommet du Monte Zoncolan, après une échappée, en résistant au retour de Bernal, pour la plus grande joie de ses mentors. ITALIA FARA DA SE !

Des performances proches de la zone « mutant »

Si le profil MUTANT des Pantani, Indurain et consorts sur l'ensemble de tous les radars d'un grand tour, au-delà de 450 watts, n'est plus d'actualité, certains coureurs, ponctuellement et sur une plus ou moins longue distance y ont recours à nouveau pour faire des différences. Cela a été le cas pour Egan Bernal sur le Monte Zoncolan justement. Son coéquipier colombien Martinez s'est chargé de la basse besogne pour permettre une montée en 40min04sec à 423 Watts Etalon de moyenne. Et sur le final, pour être irrésistible, Bernal a développé pendant 12 minutes 450 watts mutants, 6,8 watts/kilos pour lui !

C'est la même puissance qu'il avait utilisée six jours auparavant pour s'imposer à Campo Felice en montée, en sortant tout le monde de sa roue. Maintenue assez longtemps, cette force en col fait de gros dégâts.

Un autre « mutant ponctuel » a dû avoir recours à cette puissance et à cette force pour s'imposer : Simon Yates. Rappel. Le frère d'Adam Yates a été contrôlé positif à la terbutaline, substance utilisée pour traiter l'asthme, lors d'un Paris-Nice qu'il a terminé à la 7e place. L'équipe Orica-Green-Edge avait alors expliqué le résultat positif par une erreur humaine commise par son médecin. Sur ce Giro il a maintenu nos 450 watts étalon pendant 28min39sec dans l'Alpe di Mera ! Son médecin ne s'est pas trompé de dosage cette fois !

Des Equipiers aussi forts que leurs leaders

Les équipiers de leaders capables de travailler toute la journée mais de quand même rouler ensuite quand leur leader attaque pour maintenir un bon classement, c'était d'abord pendant les grandes années EPO. Ensuite, l'achat par une seule équipe, SKY, de tous ceux capables de gagner un grand Tour a renouvelé ce phénomène. Daniel Felipe Martinez d'INEOS, ex-SKY, mais avec les mêmes moyens financiers, en est l'exemple. Ce vainqueur en 2020 du Dauphiné Libéré et d'une étape au Puy Mary sur le Tour de France a été acheté cet hiver à l'équipe EF. Il a travaillé de manière incroyable dans les cols pour son leader, lui aussi Colombien, Egan Bernal. Il terminé tout de même 5ème de ce Giro avec 412 Watts Etalon, sans jamais s'écrouler, bien au contraire. La sélection se faisait par l'EPO, elle se fait par l'argent ?

Il a mangé du Lion ou quoi ?
Source : Espé - 04/06/2021

Que se serait-il passé en cas de défailllance de Bernal ? Sans doute au pied levé Martinez, en jouant sa carte aurait-il gagné le Giro ? L'Italien Caruso, 33 ans, 2ème de ce Giro avec 415 Watts Etalon a bien failli réussir ce coup !

Frédéric Portoleau a passé ses performances au peigne fin pour essayer de comprendre ce qui reste incompréhensible. Vous le lirez dans la deuxième partie de notre chronique du Giro 2021.



Et quelques tweets bonus !

A l'image d'un Dan Martin, Romain Bardet fait partie des humains.


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Cette page a été mise en ligne le 05/06/2021