Actualité du dopage

L'UCI n'est pas en règle


22/06/2014 - lejdd.fr - Jacky Lassalette


Contrairement à ses dires, la fédération internationale n'a pas respecté les règles pour délivrer une autorisation à usage thérapeutique au leader de Sky lors du Tour de Romandie.

Depuis dimanche 15 juin, les révélations du JDD relatives à l'Autorisation à usage thérapeutique (AUT) de corticoïdes par voie orale accordée par l'Union cycliste internationale (UCI) au leader de Sky, Chris Froome, pour le Tour de Romandie (...), ont provoqué un festival de communiqués alambiqués. Tant de la part de l'UCI, au sein de laquelle un vent de panique continue de souffler, que du côté de Montréal où l'Agence mondiale antidopage (AMA) s'est d'abord refusée à condamner l'institution.

Après quelques circonvolutions diplomatiques, l'AMA a changé de discours et nous a signifié son embarras. S'il continue de penser que "l'état de santé de Froome nécessitait un tel traitement", David Howman, le directeur général de l'agence, nous a déclaré "être préoccupé par le processus d'obtention de cette AUT" et avoir "demandé à l'UCI de remédier rapidement aux insuffisances constatées sur ce dossier". Les informations du JDD sont donc confirmées, même si l'affaire demande quelques éclaircissements.

POURQUOI L'AMA A-T-ELLE D'ABORD COUVERT L'UCI?

Des éléments d'ordre politique, conjoncturel ou culturel peuvent expliquer cette clémence. En premier lieu, l'arrivée à la présidence de l'UCI de Brian Cookson, en septembre 2013, a été encouragée depuis Montréal, dans le sillage du séisme Armstrong, pour mettre fin aux années viciées des mandatures de Hein Verbruggen et Pat McQuaid. Sir Craig Reedie, boss de l'AMA, est proche de Cookson, Britannique comme lui. L'idée de lui faire porter l'affaire Froome a été repoussée, d'autant que Cookson n'est pas personnellement responsable de la complaisance dont a fait preuve la commission médicale de l'UCI.

Par ailleurs, l'AMA et l'UCI collaborent actuellement sur d'autres dossiers. Elles viennent ainsi de faire appel devant le TAS pour alourdir les dix années de suspension de Johan Bruyneel dans l'affaire Armstrong. Une autre raison de ne pas condamner publiquement le traitement "à l'ancienne" du dossier Froome, qui n'est pourtant pas sans rappeler la complaisance de l'UCI envers l'usage des corticoïdes du temps... de Lance Armstrong.

Les débats internes à l'AMA ont été vifs cette semaine et David Howman a fini par trancher dans le vif : l'UCI a bien enfreint les règles d'obtention d'une AUT. Celle-ci n'a pour autant pas été invalidée, l'AMA considérant entre autre qu'il ne servait à rien de récuser a posteriori une autorisation temporaire de sept jours.

POURQUOI L'AMA NE CONDAMNE-T-ELLE PAS LES MAUVAISES PRATIQUES MÉDICALES DANS CE DOSSIER?

Là encore, il y a eu débat à Montréal. Nombre de médecins ont dénoncé dans les médias "l'anti-médecine" qui a prévalu dans l'affaire Froome. Le Dr Alain Lacoste de la Fédération internationale d'aviron (...) détaille les bonnes pratiques en la matière : "La demande d'AUT est soumise à un comité d'experts (CAUT) composé de trois médecins de nationalités distinctes qui demandent un complément d'informations et s'assurent qu'il n'existe pas d'alternatives médicales, avant de la valider."

Armand Mégret, le médecin fédéral français, a rappelé dans L'Équipe que les règles du MPCC (Mouvement pour un cyclisme crédible, auquel Sky n'adhère pas...) sont intangibles : "Lorsqu'il n'y a pas d'alternative à la prise de corticoïdes par voie orale, le sportif est arrêté dix jours. Au terme desquels il lui faut se soumettre à une prise de sang pour vérifier si son taux de cortisolémie est remonté afin de reprendre la compétition."

Froome n'aurait donc jamais dû disputer le Tour de Romandie. Son médecin personnel, Stéphane Bermon, le dernier à l'avoir ausculté, ne lui avait pas prescrit ce traitement. L'UCI a validé de fait la prise de corticoïdes par voie orale (prednisolone), interdite en compétition, sur simple demande du médecin de Sky, sans autre avis spécialisé. On peut donc évoquer une faute.

Mais tous ces médecins se trouvent confrontés à la logique médicale anglo-saxonne qui a abouti depuis plusieurs années à la quasi-libéralisation des corticoïdes, validée par l'AMA.

QUELLES CONSÉQUENCES POUR L'UCI?

L'UCI, c'est à peine croyable, ne possède pas de comité d'experts susceptibles d'accorder des AUT (CAUT), comme l'impose l'AMA depuis toujours! Il incombe ainsi au seul Dr Mario Zorzoli, le coordonnateur de sa commission médicale, d'accorder ces autorisations qui peuvent se révéler - comme dans le cas de Froome - une aide à la performance. L'AMA a donc demandé à l'UCI de remédier à ce dysfonctionnement. La fédération internationale a bien compris l'avertissement. Selon nos informations, un CAUT sera mis en place cette semaine, à temps pour le Tour de France.

Par ailleurs, le Dr Zorzoli, survivant des présidences passées de l'UCI où régnaient les "petits arrangements", pourrait être bientôt en fâcheuse posture. Brian Cookson a en effet structuré sa campagne sur le retour à l'éthique et ce dérapage sonne comme un rappel à l'ordre. La Commission indépendante de réforme du cyclisme (CIRC), en charge notamment d'exhumer les errances passées de l'UCI, serait très attentive à l'affaire Froome.


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Cette page a été mise en ligne le 24/06/2014