Dossier dopage

Jean-François Lamour face à ses tergiversations

23/01/2004 - L'Humanité - Stéphane Guérard

Sur fond d'affaire Cofidis, le ministre des Sports reçoit aujourd'hui les dirigeants de la petite reine française.

L'affaire de trafic présumé de produits dopants autour de l'équipe Cofidis ressemble à un iceberg. En surface : des interpellations effectuées par la brigade des stupéfiants et des mises en examen à rebondissement. Mais sous l'eau, une lame de fond est en train de prendre forme. Celle d'un malaise du mouvement sportif face à l'action efficace de la police et de la justice, là même où les procédures de contrôle antidopage n'ont rien révélé.

D'où la réunion de ce matin, décrétée par le Jean-François Lamour, pour officiellement "faire un point sur la préparation des athlètes qui sont présélectionnables pour les jeux Olympiques (du 13 au 29 août - NDLR), avec le président de la Fédération française de cyclisme (FFC), le directeur technique national (DTN), le médecin fédéral et le président de la Ligue professionnelle de cyclisme ". Cela serait du plus mauvais effet d'aligner des coureurs tricolores pris par la patrouille lors de ce grand rassemblement planétaire. La France n'est-elle pas en pointe dans le combat contre le dopage depuis l'affaire Festina de 1998 ?

Mais la vraie raison de cette réunion est à chercher ailleurs. Le ministre des Sports convoque en effet les responsables d'une fédération qui ont publiquement émis des critiques sur l'action de l'État quant à la lutte antidopage. Alors que le ministère prépare à ce sujet une réforme, qui fait suite à un rapport émis fin octobre 2003 par la commission Sport et Santé dirigée par le professeur Saillant, Armand Mégret, médecin fédéral de la FFC, a exprimé, dans l'Équipe (1), son ras-le-bol sur le manque de moyens du suivi des cyclistes. En cause : l'efficacité du suivi longitudinal, qui permet de suivre médicalement et tout au long de l'année chaque athlète de haut niveau. (...) C'est grâce à lui que les services médicaux de la FFC ont mis en évidence des problèmes sur la santé des cyclistes qu'ils suivent, dans un rapport rendu public en octobre sur l'état de santé de 750 cyclistes d'élite. Ainsi, l'EPO reste un spectre sur le peloton. Si, en 1999, 60 % de ces sportifs présentaient des taux aberrants de ferritine (que l'on assimile à la prise d'EPO), on compte encore 30 % de profils anormaux. Autre indication du rapport médical de la FFC, 35 % des cyclistes sont sujets à l'asthme d'effort, pour une moyenne nationale de 7 % à 8 % dans la population normale. 30 % des femmes et 10 % des hommes souffrent de troubles du comportement alimentaire. De plus, 6 % à 7 % des athlètes suivis présentent un taux de cortisol anormalement bas, ce qui implique, pour 90 % d'entre eux, la prise de corticoïdes de façon licite ou non. Enfin, l'emploi d'hormones de croissance a été détecté.

Face à ces données, Jean-François Lamour ne peut rester effacé sur la lutte antidopage, comme il l'a été depuis son entrée en fonction. Il reprend aujourd'hui la main en se rendant compte que les outils de répression ne sont peut-être plus en adéquation avec la continuelle sophistication des pratiques dopantes. Ainsi explique-t-il qu'il abordera ce matin " le suivi longitudinal qui permet d'avoir une évaluation de l'état de santé des sportifs " (...). Une façon de répondre à l'impression d'inutilité des résultats de ce suivi longitudinal, si ses données ne sont pas utilisées dans la lutte antidopage ou, plus simplement, dans la protection de la santé des athlètes.

"Au niveau international, reprend le ministre, nous prendrons une initiative dans ce domaine dans les prochains jours ", pour une plus grande " cohérence au niveau européen et international " par un " travail en commun avec les gouvernements, le Comité international olympique et les fédérations internationales ". Un grand plan qui arrive plus d'un an et demi après sa prise de fonctions au ministère des Sports.

Cette nouvelle volonté affichée se mesurera en partie en termes budgétaires. Alors que les crédits affectés à la lutte antidopage ont progressé de 200 % entre 1998 et 2002, le gouvernement Raffarin ne les a augmentés que de 2 % en 2003. " Le suivi médical est inapplicable et son coût est exorbitant pour les fédérations (2) ", avait expliqué alors Jean-François Lamour, peu après sa prise de fonction. En diminuant ses crédits, il n'y a que peu de chances que la situation s'inverse.

(1) 6 novembre 2003.
(2) JDD du 8 décembre 2002.


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Cette page a été mise en ligne le 27/03/2006