Dossier dopage

Jean-François Lamour : «Les mailles du filet sont encore trop grandes»

23/01/2004 - Le Figaro - Propos recueillis par Jean-Christophe Papillon et Martin Couturié

Navré par l'affaire Cofidis, le ministre des Sports dévoile au «Figaro» les axes majeurs de sa future loi contre les tricheurs

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LE FIGARO. - Que vous inspire l'actualité du dopage particulièrement riche en ce moment avec l'affaire Cofidis ?
Jean-François LAMOUR. - Je suis navré pour le cyclisme. Et la réunion que j'organise demain [23/01/2004] (...) a pour objectif de faire le point sur la préparation des athlètes avant les Jeux olympiques d'Athènes. Je vais demander à ce que tous les coureurs mis en examen dans cette affaire, et dans d'autres qui pourraient suivre, ne soient pas retenus pour les compétitions qui assureront les sélections pour les Jeux. Il y a peut-être un risque juridique, mais ils n'ont pas la place dans ces épreuves. Sinon, l'enquête avance, il faut être prudent. il est encore trop tôt pour savoir quelle forme a pris ce trafic. Ce que l'on peut dire, c'est que certains ont trouvé la parade à la lutte antidopage.

Y a-t-il un vaste ménage à effectuer dans le cyclisme ?
Je vais demander au président de la ligue professionnelle de rendre plus transparente l'organigramme des équipes. J'ai l'impression que l'on n'est plus dans le dopage institutionnalisé, comme on l'a connu à une époque avec les pays de l'Est, mais plutôt sur un réseau de personnes prisonnières de ces méthodes interdites.

Philippe Gaumont, déjà contrôlé positif à deux reprises en 1996 et 1997, méritait-il encore sa place dans le peloton ?
C'est une bonne question. Je comprends les réticences de Hein Verbruggen (le président de l'UCI, qui refuse la sanction de deux ans de suspension proposée par l'Agence mondiale antidopage pour tout premier contrôle positif), mais je lui dis aujourd'hui, à la lumière de ce cas, qu'il est nécessaire de signer et d'accepter ce principe de deux ans, même si c'est une lourde sanction pour un professionnel.

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Quel état de santé tirez-vous du sport professionnel après votre large consultation d'experts qui vient de s'achever ?
Je ne suis pas de ceux qui disent «il y a du dopage partout», mais il peut y en avoir partout. Il n'y a pas un sport qui peut y échapper. Les tentations sont grandes aujourd'hui, les filières d'approvisionnement se sont développées, notamment avec Internet, et l'appel à la déviance est fort. Il faut être beaucoup mieux organisé et cohérent dans la lutte antidopage. (...) Il y a les adeptes du catastrophisme qui décrivent l'apocalypse génétique et ceux qui évoquent des pratiques marginales, au sein de réseaux. En tout cas, je suis déterminé à agir. Les mailles du filet sont encore trop grandes. Et je ressens le besoin de faire évoluer la loi qui date de 1999. L'objectif est de faire voter un nouveau texte au cours des deuxième ou troisième trimestres 2004 avec les décrets promulgués pour la fin de l'année.

Comment perfectionner la lutte antidopage ?
(...) Tout cela me conforte dans l'idée qu'il faut être encore plus performants, et cela à plusieurs niveaux en matière de lutte contre le dopage. D'abord les contrôles inopinés ne sont vraiment efficaces que quand ils sont inopinés. Or, aujourd'hui, on voit bien qu'ils ne sont pas assez ciblés. (...) Nous n'avons pas, dans le domaine des procédures tel qu'il a été édicté par la loi de 1999, un dispositif suffisamment performant. Je crois également qu'il faut augmenter la part des contrôles inopinés. Cela demande une évolution de la loi. Pour une meilleure cohérence du dispositif des contrôles et de leur ciblage, de remontée d'informations et de prescription de contrôles inopinés.

La France ne peut pas s'isoler...
Nous ne serons efficaces que si nous sommes coordonnés au niveau international. Les trafics n'ont pas de frontières. (...) Or, il faut être en capacité de pister les tricheurs. Là où ils sont. On adhère à un texte commun, c'est le code mondial antidopage qui a été validé en mars dernier à Copenhague et que nous devons appliquer avant 2006. Mais il convient aussi d'être beaucoup plus dynamique. Par exemple, en travaillant déjà au niveau intergouvernemental sur cette capacité à opérer des contrôles inopinés et à appliquer des sanctions à peu près uniformes sur l'ensemble des sports et des territoires. C'est la clé du problème. (...) On ne peut pas se satisfaire politiquement d'une loi dont on dit qu'elle est une des plus abouties et s'apercevoir que finalement, en France, des soigneurs étrangers font passer des produits qui viennent de tel ou tel pays européen. (...)

Quelles sont les autres améliorations à apporter ?
Au niveau international, il convient également d'améliorer la recherche et la coordination des laboratoires. Si on peut trouver des points positifs en matière de lutte antidopage, ce qui s'est passé pour la THG est très symbolique de cette capacité de réaction. Un laboratoire américain trouve la molécule, fait la procédure et la transmet. Quinze jours après, des contrôles sont effectués. Or, aujourd'hui, la loi française n'est pas assez claire sur ce sujet. Elle ne stipule pas qu'on est en capacité de travailler postévénement sur la recherche de produits qui, à l'époque, n'étaient pas officiellement détectables. Cette possibilité est pourtant une épée de Damoclès au-dessus de la tête des tricheurs. (...)

Comment réagir face à la rapidité d'adaptation des tricheurs ?
Il faut que le nouveau cadre législatif soit plus souple. Il est, ainsi, incroyable qu'en France les tests sanguins ne soient pas reconnus comme éléments permettant de définir du dopage. L'évolution est tellement rapide en matière de dopage. Les tricheurs contournent les dispositions. Si notre cadre est trop rigide, nous perdrons notre temps à savoir si oui ou non on peut s'emparer de tel dossier. Pendant ce temps-là, les tricheurs auront trouvé d'autres formules. Ainsi, ce qui m'irrite, c'est d'être obligé de signer dix projets de protocole avec l'Iaaf (Fédération internationale d'athlétisme) pour être en capacité d'appliquer à la fois les procédures de l'Iaaf et le cadre législatif français. Nous avons d'autres chats à fouetter et on pourrait mieux utiliser ce temps perdu pour justement travailler à la mise en place de procédures beaucoup plus efficaces en matière de contrôles.

Et en matière de prévention et de suivi médical ?
C'est l'autre évolution, l'autre volet. A mon arrivée, ce décret n'était pas sorti. Là, il y a eu un raté. Aujourd'hui, il est prêt et son application sera effective dès les prochains jours. Avec une nouvelle approche. On a rajouté un examen psychologique aux examens clinique et biologique déjà existants. Un sportif en état de faiblesse importante est facilement tenté par des pratiques déviantes. En cas de coup dur, un jeune aurait ainsi un point d'ancrage. C'est capital.


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Cette page a été mise en ligne le 27/03/2006