Dossier dopage

Des difficultés dans l’organisation des contrôles antidopage en France


15/02/2019 - lemonde.fr - Clément Guillou

Les agents de la lutte antidopage reprochent au ministère des sports et à l’AFLD d’avoir mal géré un changement d’organisation réclamé par l’Agence mondiale antidopage.

Bonne nouvelle pour les tricheurs dans le sport français : l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) peine à effectuer les contrôles prévus. Et le ministère des sports s’en inquiète, comme l’indique un courriel envoyé mercredi 13 février par la direction des sports et que s’est procuré Le Monde : « L’AFLD rencontre de vraies difficultés à mettre en œuvre son plan de contrôle [antidopage] », écrit le directeur des sports, Gilles Quénéhervé, à ses directeurs régionaux.

La raison de cet accès de panique ? La réorganisation du dispositif des Cirad (conseillers interrégionaux antidopage), maillons essentiels de la lutte contre le dopage en France. Alors qu’une ordonnance prévoit un changement de système au 1er mars, les contours de la future organisation viennent seulement d’être décidés. Les Cirad, contraints de prendre une décision sur leur statut en quarante-huit heures, dénoncent une absence de préparation de la part du ministère des sports (...).

Depuis 2015, ces fonctionnaires du ministère établissent, dans chaque région, le lien entre l’AFLD et les agents de terrain, comme les préleveurs (...) ou les forces de police engagées dans la lutte contre les trafics de produits dopants. L’efficacité du dispositif est saluée par le ministère, même si elle reste très dépendante de l’implication personnelle des Cirad.

Eviter une situation « à la russe »

Dans un audit réalisé au printemps 2018, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a demandé à l’AFLD de modifier le statut de ces agents-clés de la lutte contre le dopage pour éviter de créer une situation « à la russe », par laquelle l’Etat ferait pression pour protéger certains sportifs français. Dans les faits, les Cirad répondent déjà aux ordres de l’agence et peuvent même se voir retirer leur délégation, mais « il n’y a aucune garantie juridique », explique Mathieu Teoran, secrétaire général de l’AFLD. Selon plusieurs sources, l’AFLD n’était pas satisfaite du travail des Cirad, trop contestataires à son goût, et souhaitait en récupérer la mainmise et renouveler les effectifs. (...)

Le plus connu des Cirad s’appelle Christophe Bassons (...). Précurseur du dispositif, considéré comme un agent modèle par l’AFLD, et pourtant circonspect : « Chacun est convaincu que le mode de fonctionnement était très bon, cet avis était partagé par tout le monde. On avait mis en place un réseau, une manière de travailler, et on repart de zéro. C’est dommageable. »

Les critiques pleuvent tant sur l’AFLD que sur le ministère (...). « Il y a eu un manque de concertation avec les Cirad, alors que beaucoup de choses dépendent d’eux. Il faut impérativement sauver le dispositif actuel », s’inquiète le sénateur socialiste Jean-Jacques Lozach, rapporteur d’une commission d’enquête sur le dopage en 2013. « Il n’y a jamais eu un bordel pareil », s’alarme un acteur expérimenté de l’antidopage français. L’un des huit Cirad encore en fonction « reproche au ministère de s’être aplati devant l’AFLD et l’AMA, et d’avoir fait preuve d’incurie en n’organisant pas la transition ».

« Nous n’avions pas de marge de manœuvre si l’on voulait se mettre en conformité avec le code mondial antidopage, objecte le ministère. Et il était difficile de prévoir un dispositif dans le budget 2019 tant que l’ordonnance n’était pas adoptée. »

Plus qu’une moitié de Cirad opérationnels

Le nombre de Cirad opérationnels est d’ores et déjà passé de douze à huit en métropole, et deux autres ont déjà manifesté leur volonté de ne plus faire partie du dispositif à compter de la nouvelle organisation, le 1er mars. Ces derniers jours, les six Cirad restants sont très courtisés. Dans son courriel, le directeur des sports demande aux directeurs régionaux « d’insister auprès d’eux pour qu’ils acceptent cette solution », à savoir un détachement à mi-temps auprès de l’AFLD pour gérer l’organisation des contrôles et la garantie de retrouver leur affectation à la fin de l’année. Tous ont accepté, « sensibles, dit l’un, à la nécessité de ne pas fragiliser l’antidopage français ». Avant de préciser aussitôt : « Mais ça n’enlève rien à notre colère. »

Concrètement, ils seront moins nombreux qu’avant à organiser les contrôles antidopage. « On va essayer de faire marcher ça », dit, sans enthousiasme, le secrétaire général de l’AFLD, Mathieu Teoran, tout en insistant sur le fait que tous les contrôles prévus ont été effectués.

Plusieurs fonctionnaires ont par ailleurs fait remonter au ministère des « difficultés relationnelles » avec le directeur des contrôles de l’AFLD, ce qui expliquerait leurs réticences à être rattachés à l’agence. (...)

Les préleveurs également en colère

Les problèmes actuels s’ajoutent au mouvement de colère d’une partie des préleveurs antidopage, qui protestent depuis la fin de l’année 2018 contre une réévaluation des tarifs de leurs missions. Tandis que l’AFLD dit avoir voulu lutter contre des effets de seuil, certains lui reprochent d’avoir fait baisser leur rémunération. Selon plusieurs témoignages, les meneurs de cette fronde ne sont plus missionnés par l’agence, l’un ayant même perdu son agrément pour les contrôles. L’AFLD précise que ce préleveur n’a pas fait sa demande de renouvellement d’agrément.

Selon nos informations, seul un tiers des quelque deux cents préleveurs est encore actif, un chiffre que l’agence « dément formellement ». « Cela a considérablement handicapé l’organisation des contrôles antidopage du dernier trimestre 2018 », rapporte un Cirad. Les difficultés les plus fortes concernent l’organisation des contrôles hors compétition visant les sportifs de haut niveau, pour lesquels de très nombreux préleveurs se déclarent indisponibles. Inq(...)


Lire l'article en entier



Sur le même sujet


Cette page a été mise en ligne le 26/04/2020