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« C’est l’histoire d’une relation entre des cyclistes qui veulent devenir millionnaires et leur vélo »


10/07/2017 - lemonde.fr - Antoine Vayer

Dans sa chronique, Antoine Vayer revient sur le terme de « grey zone », associée à l'équipe Sky et aux pratiques douteuse de gain de performance mises en place dans le monde du cyclisme.

Les couleurs du Tour devaient être le jaune Froome, le vert Kittel, le blanc Yates, les pois rouges Barguil ou l'arc-en-ciel Sagan. Las, c'est le gris qui prédomine. La « grey zone » alimente les discussions au Royaume-Uni depuis que l'équipe Sky, qui se voulait virginale et vantait l'utilisation de gains marginaux pour augmenter ses performances en « suivant les règles », a été cet hiver au coeur de révélations. Celles-ci ont montré que Bradley Wiggins, premier coureur estampillé Sky vainqueur du Tour, avait été autorisé à utiliser des injections de triamcinolone, un corticoïde formidable, pour s'imposer tout en suivant les règles...

La zone grise répond à trois grands principes : tout ce qui n'est pas interdit est légal ; tout ce qui n'est pas détecté est autorisé ; tout ce qui n'est pas détectable est utilisable. Cela peut passer par l'utilisation « diététique » ou « micronutritionnelle » de boisson contenant du bêta-D-hydroxybutyrate. Les coureurs se trouvent alors en état de cétose métabolique, l'organisme utilisant la graisse comme carburant au lieu du sucre. Certains s'en trouvent très amaigris.

Détesté outre-Manche

Cela peut être aussi l'utilisation de microdoses de produits divers, bêta-agonistes, hormones thyroïdiennes... Une multitude de méthodes dites « alternatives », liées à la sphère paramédicale et médicale, sont prônées au sein de certaines équipes. Il existe cinquante nuances de gris. C'est l'histoire de la relation sentimentale et charnelle entre des cyclistes qui veulent devenir millionnaires et leur vélo. Le gris, c'est le mélange du noir de ceux qui trichaient à la louche les années passées, en pédalant à plus de 430 watts étalon dans les cols, et le blanc - qui peut être immaculé - de l'éthique, en dessous de 410. La zone grise booste moins, mais tout de même ! Ceux qui sont dedans, de l'équipier aux leaders, expliquent peut-être que le Tour 2017, après huit étapes, en était à une vitesse moyenne extrêmement rapide de 42,47 km/h. Samedi 8 juillet, un dense ­peloton de quarante coureurs a gravi la côte de la Combe de Laisia à une puissance de « train » de 389 watts étalon pendant 30'25'' derrière un exceptionnel Lilian Calmejane mesuré à 406 watts.

Dimanche, sur l'étape reine de ce début de Tour, qui naguère se serait terminée bien plus tôt, le rythme a été raisonnable sur le premier col, celui de la Biche : le peloton des favoris, emmené par l'équipe Sky, a escaladé les 10,5 kilomètres à 9 % en 39'14'' pour 349 watts étalon à 16,15 km/h. Puis il a été soutenu sur le Grand Colombier, 8,58 kilomètres à 10 % en 31'43'' pour 388 watts étalon à 16,23 km/h. Seulement vingt coureurs ont pu suivre. Dans le troisième col hors catégorie, le mont du Chat, 8,78 kilomètres à 10 % en 30'42'' avec 414 watts, Christopher Froome et quelques autres leaders, juste un peu trop puissants, ont empêché Warren Barguil de gagner. Le temps gris a mis en échec une éclaircie bretonne. C'est un comble.

Sir Dave Brailsford, le manageur gallois de Sky anobli par la reine, a fait passer les Britanniques de l'ombre à la lumière aux Jeux olympique de Londres, en 2012, puis avec l'équipe Sky. Il pourrait gagner cinq Tours en six ans avec Christopher Froome, mais le voilà détesté outre-Manche par tous ceux qui se sont sentis dupés. Histoire de faire diversion, il a changé la couleur du maillot Sky. Du noir des années passées, il est devenu blanc.


Stéphane Huby est webmaster de cyclisme-dopage.com


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Cette page a été mise en ligne le 03/03/2018