Actualité du dopage

Attendus au virage


02/11/1990 - L'Humanité - Bernard Aparis

Une quinzaine de coureurs et un cercle de trafiquants attendent le verdict de la 16e chambre correctionnelle de Paris qui vient de les juger pour infraction à la loi sur les stupéfiants.

Aux lourdes peines demandées par le substitut du procureur de la République, (...) la défense des principaux inculpés a répliqué : « Relaxe ». La ronde de Bercy débutée en 1986 a pris, pendant trois jours cette semaine, devant la 16e chambre correctionnelle de Paris, une tout autre tournure à l'écoute des différents plaidoyers.

Le 14 novembre 1986, les inspecteurs de la Brigade des stupéfiants descendaient dans les coulisses du POPB durant l'épreuve cycliste des « Six Jours ». Bilan de l'opération : une quarantaine de coureurs interpellés et un cercle de trafiquants démantelé. Au centre de l'affaire, des boîtes de tonédron, de Pertivin et Eubine (...). A cette découverte s'ajoutent des listes de noms de coureurs avec des sommes payées ou dues. Le 19 novembre, quatre personnes, Joël Lacroix, Pierre Charron, Bernard Sainz et le docteur Toledano sont inculpées d'infraction à la loi sur les stupéfiants. Avec eux, une quinzaine de coureurs se sont retrouvés quatre années plus tard au Palais de justice de Paris.

Le ministère publique (...) six mois de prison avec sursis et 20.000 francs d'amende contre les coureurs accusés d'avoir acheté et consommé des amphétamines. Pour les pourvoyeurs, Charron, Toledano et Lacroix, qui se sont procurés 1.000 boîtes de tonédron à 40 francs l'unité pour les revendre entre 1.300 à 1.600 francs aux coureurs, il sera demandé d'appliquer une peine de 3 ans de prison dont une partie avec sursis et 200.000 francs d'amende.

Les avocats se sont élevés contre cette sévérité. Pour les défenseurs et les coureurs eux-mêmes, il n'étaient pas question d'être considérés comme des drogués. Si tous ou presque reconnaissaient les faits, les arguments n'ont pas manqué pour expliquer comment on arrive à cette extrémité. Ainsi Jean-René Bernaudeau (...) avouait : « On n'est pas là pour se faire plaisir mais pour gagner de l'argent. A l'époque, une bonne tournée de critériums représentaient 50 pour cent de mes revenus annuels... De plus, la loi nous oblige à rembourser le double de notre cachet en cas d'abandon. J'en faisais pas mal, jusqu'à 18 en 20 jours ». L'engrenage est bien réel. Et, il est vrai que dans ce contexte, les sponsors, organisateurs et télévisions sont de plus en plus exigeants. D'autres inculpés avanceront la naïveté comme maigre défense. Devant la gravité des peines demandées (...), Jean-François Chaurin a demandé l'indulgence. Retiré aujourd'hui des pelotons, il a retrouvé du travail après deux ans de reconversion. Une condamnation ruinerait ces efforts.

Sans doute le « procès des Six Jours de Bercy » n'a pas pour but de mettre un coup définitif au dopage. Le phénomène ne s'arrête pas à la porte des cagnats et sur les noms de quelques boucs-émissaires coupables. Pour autant faut-il balayer de la main l'usage de stupéfiants qui, en plus de truquer les résultats sportifs, peuvent avoir des conséquences secondaires très importantes sur les utilisateurs ? Faut-il laisser un médecin, compétent en la matière, se servir de son pouvoir pour organiser un trafic, lucratif et dangereux ? Faut-il laisser des pourvoyeurs poursuivrent leur manège dans le milieu ? Autant de questions que se posera le tribunal avant de rendre son jugement le 14 novembre à 13 h 30.


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Notre post-scriptum

L'article cite par erreur Pierre Charron. Il s'agit en réalité de Patrick Charron.


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Cette page a été mise en ligne le 29/06/2007