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Dossier dopage |
Dans le petit monde du sport, les tricheurs viennent de perdre un ennemi redoutable. Pierre Bordry, 71 ans, a annoncé, vendredi 24 septembre, qu'il démissionnait de la présidence de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) sans attendre la fin de son mandat (...). Le 1er octobre, il devrait être remplacé par un autre conseiller d'Etat, Bruno Genevois. Celui qui considérait l'agence comme "le petit grain de sable dans les rouages bien huilés du sport spectacle" explique au Monde les raisons de son départ.
Existe-t-il aujourd'hui un risque d'affaiblissement de l'AFLD ?
Le risque est d'abord d'ordre budgétaire. Nous repartons sur les mêmes bases qu'en 2009, où le budget était préparé avec une ressource provenant d'une légère augmentation de la taxe Buffet (sur les droits de retransmission des événements sportifs). Le gouvernement, à la demande de la Ligue professionnelle de football, a retiré cette proposition qui comptait pour 4 millions d'euros, soit la moitié du budget de l'AFLD. On ne les a obtenus qu'en juillet !
Et cette année, le budget ne prévoit pas non plus de ressources pérennes pour l'agence alors qu'elle a besoin de moyens supplémentaires car les produits indétectables sont de plus en plus nombreux et que le dopage est beaucoup plus répandu qu'on le pense. Cette situation me fait croire qu'il n'y a pas une volonté politique de soutien de la lutte antidopage.
Au-delà des problèmes budgétaires, que reprochez-vous au gouvernement ?
Pour le Tour de France 2010, nous avions demandé à effectuer des contrôles supplémentaires. L'Union cycliste internationale a bien sûr refusé. Nous avons alors saisi l'AMA qui a rendu un arbitrage en notre faveur. Mais nous n'avons eu aucun soutien du ministère des sports.
On a même connu un ministre (Jean-François Lamour) qui nous a demandé de ne pas traiter l'affaire Landis (...) trois jours avant la séance où nous avons instruit son cas sur le plan disciplinaire. Dans un autre domaine, celui de la prévention, la loi sur l'audiovisuel public prévoit d'imposer des émissions sur ce sujet à la télévision publique. Or, personne n'a pris le décret d'application. C'est quand même étrange.
Pourquoi n'y a-t-il pas de vraie volonté de lutter contre le dopage ?
Un jour, on m'a expliqué qu'il ne fallait pas trop lutter contre le dopage sous peine de perdre l'organisation de compétitions internationales importantes ou de priver les sportifs français de victoires. Devant les enjeux économiques et financiers colossaux du sport business, le mouvement sportif et le pouvoir politique préféreraient peut-être avoir une agence forte mais qui fasse semblant.
Mais si, dans l'avenir, ils ne soutiennent pas davantage le travail d'agence indépendante comme l'AFLD, la lutte antidopage va basculer dans le domaine judiciaire et la lutte contre les trafics en deviendra l'unique fondement. Cette évolution risque d'être rude pour les sportifs.
Cette page a été mise en ligne le 29/09/2010