Lance Armstrong / Philippe Gaumont : lecture parallèle

A sa sortie, je n'avais pas pris la peine de lire le livre de Lance Armstrong "Il n'y a pas que le vélo dans la vie". Comme j'étais d'accord avec le titre, j'avais pensé qu'effectivement, j'avais mieux à faire. Peu de temps après la 7ème victoire du texan dans le Tour de France, je décide malgré tout de réparer cette omission et, profitant des vacances, j'enchaîne avec la lecture de "Prisonnier du dopage" de Philippe Gaumont. Je suis alors frappé de voir que les deux anciens coureurs abordent quelques sujets identiques mais avec un traitement fort différent. D'un côté le témoignage que d'aucun présentent comme le plus grand champion cycliste de tous les temps, de l'autre celui que les mêmes présentent comme un drogué et grand menteur. La sincérité n'est pourtant peut-être pas du côté que l'on croit. A vous de juger.

L'argent

Lance Armstrong (p.42)

En 1987 (...), au Triathlon du Président, (...) j'ai termine trente-deuxième, à la grande stupéfaction des autres concurrents et des spectateurs, qui n'arrivaient pas à croire qu'un gosse de quinze ans ait pu tenir toute la course sans abandonner. (...) Les triathlons payaient bien. Tout d'un coup, je me suis retrouvé avec un portefeuille plein de chèques à plusieurs zéros, et je me suis inscrit dans toutes les épreuves que j'arrivais à dénicher. (...) La prime n'était que de cent dollars ? Aucune importance. Pour la rafler, j'aurais arraché les jambes des autres concurrents.

Philippe Gaumont (p.73)

En compétition, le dimanche, on gagnait presque toujours. Dans la catégorie minimes, la première année, j'ai remporté vingt-six courses sur vingt-sept. (...) J'ai passé mon adolescence comme ça (...). Dans mon souvenir, ces quelques années représentent tout ce que le sport peut procurer : le désir d'aller a l'entraînement, le plaisir que j'éprouvais en gagnant, le dimanche. Je revenais dans la voiture de mes parents, un bouquet à la main que j'offrais à ma mère. J'étais heureux aussi d'avoir un peu d'argent (on touchait des petites primes, à chaque passage en tête sur la ligne d'arrivée).

Arrangements

Lance Armstrong (p.66)

A l'intérieur du peloton, les concurrents se livrent à des négociations sans fin : emmène-moi aujourd'hui, je t'emmènerai demain. Cède un pouce, gagne un pote. Il n'est pas question de faire des concessions qui puissent compromettre nos résultats ou ceux de l'équipe, mais dès qu'on peut, on aide un adversaire en espérant qu'il renverra l'ascenseur. (...) Dans une longue course par étapes, il suffit de rendre un petit service pour se faire un allié, et un allié ça peut s'avérer utile par la suite. (...) Mais moi je refusais de jouer ce jeu-la.

Philippe Gaumont (p.197)

Pour les grandes courses (...) et même pour les courses moins côtées, Cofidis met (...) une enveloppe à notre disposition pour acheter les adversaires. (...) Les sprinters paient régulièrement des adversaires, lorsqu'ils se retrouvent coincés derrière une échappée. (...) Sur le Tour de France, j'ai vu des équipes entièrement payées par d'autres, pour rouler à leur place. Les coureurs sont en général rétribués a la journée et, à la télévision, les directeurs sportifs justifient la tactique par le fait que leur formation n'est pas représentée à l'avant de la course.

Beau geste

Lance Armstrong (p.93)

Vers la fin de la course, l'un des équipiers Motorola, Fabio Casartelli s'est tué dans une descente vertigineuse. (...) Le lendemain, le peloton a mis la pédale douce en l'honneur de Fabio, cédant la victoire d'étape à notre équipe. (...) Le lendemain matin, nous avons pris le départ avec un peu plus de coeur au ventre, pour l'étape qui nous amènerait a Bordeaux. Ensuite, c'était Bordeaux-Limoges. Ce soir la, Och est venu nous voir pour nous dire que Fabio s'était fixé deux buts sur ce Tour : Bordeaux-Limoges et l'arrivée sur les Champs-Élysées. Il avait à peine fini de parler que je m'étais mis en tête de gagner au nom de Fabio l'étape qu'il avait voulu remporter seul (...).

Environ à mi-étape, le lendemain, je me suis retrouvé propulsé avec vingt-cinq coureurs dans un groupe de tête. (...) J'ai suivi mon instinct : j'ai attaqué. J'y suis allé plus fort, plus vite que jamais. (...) En un claquement de doigts, j'avais pris trente secondes aux autres ; ils étaient complètement sur le dos. (...)

Je savais que quinze types de quinze équipes différentes, ça met du temps à s'organiser. (...) Alors j'y suis allé : je n'avais jamais roulé aussi vite. Question tactique, c'était un coup de poing dans la figure, et même un coup de poker. (...) C'était dément. Ca a marché.

Personne n'a plus jamais réussi à remonter à moins de cinquante-cinq secondes de moi. (...)

J'ai gagné avec une minute d'avance sans ressentir la moindre douleur.

Philippe Gaumont (p.198)

Une fois j'ai eu honte de toucher l'argent. C'est facile pour mois de dire ça aujourd'hui puisque je l'ai pris mais il n'empêche que j'en suis triste. C'était sur Paris-Nice en 2003. Notre coéquipier kazakh Andrei Kivilev était mort deux jours plus tôt, des suites d'une chute sur la route qui menait a Saint Etienne. Il ne portait pas de casque et, malgré la banalité de l'accident, le choc à la tête avait été fatal.

Le vendredi 14 mars, la course arrivait au sommet du mont Faront (...) et le Kazakh Alexandre Vinokourov, meilleur ami de Kivilev et leader de la formation allemande Telekom, était bien placé pour prendre la tête du classement général. Une échappée était partie et, dans l'oreillette, j'ai demandé à notre directeur sportif : "Qu'est-ce qu'on fait ? On aide les Telekom à rouler ?" Tous les suiveurs de la course espéraient que Vino l'emporte, afin de rendre hommage à son pote, et c'était presque naturel que les Cofidis lui donnent un coup de main.

Avec sa voiture, il est monté à la hauteur de celle des Telekom puis il nous a dit dans le micro : "C'est bon, allez-y, je vous ai négocié 3000 euros par jour (à diviser en sept) jusqu'à dimanche." (...) Vino (...) a remporté Paris-Nice et nous avons empoché l'argent. Dans les journaux, on décrivait la beauté de notre geste...

L'EPO

Lance Armstrong (p.117/169)

Bizarrement, le jargon cycliste et le jargon médical avaient des points communs. Dans les deux cas, le sang était au centre de la question. En cyclisme, on peut tricher en ingérant une substance qui augmente le nombre de globules rouges. Pour lutter contre le cancer, si mon hémoglobine descendait en dessous d'un certain niveau, on me donnait cette substance, l'epogen ou EPO. (...)

Dans toute autre situation, la prise d'EPO m'aurait valu de sacres problèmes auprès de la Fédération internationale de cyclisme et du Comite international olympique, car cette substance est considérée comme un dopant.

Philippe Gaumont (p.128)

Au mois d'avril, je trouve en rentrant chez moi un message de Nédelec sur mon répondeur : "Philippe, viens me voir des que tu peux, j'ai trouve la troisième jambe." C'était clair, il avait réussi à se procurer de l'EPO. Même si j'avais très envie d'en prendre, j'éprouvais aussi beaucoup de crainte. (...) Nédelec m'a assuré qu'il n'y avait pas de danger si on surveillait scrupuleusement les taux hématocrite et hémoglobine. (...) Je me suis laissé convaincre et je suis reparti de son cabinet avec mes deux boites d'EPO.

Allergies

Lance Armstrong (p.19)

Rik avait l'habitude de m'entendre me plaindre de mes sinus et de mes allergies. A Austin, il y a beaucoup de pollens de fleurs et de graminées et, même quand je suis au supplice, je ne peux pas prendre d'antihistaminiques à cause de la réglementation antidopage qui est très stricte.

Philippe Gaumont (p.73)

Il faut savoir que dans le sport la prise de corticoïdes est tolérée sous certaines formes et qu'il est très simple de se doper à la cortisone. Il suffit de pouvoir justifier d'une allergie ou d'un problème dermatologique car si les contrôleurs retrouvent les molécules du produit, ils ne déterminent ni la quantité ni le mode d'administration.

Affaire Festina

Lance Armstrong (p.258)

En effectuant une série de raids dans les voitures d'équipes, la police française a découvert des coffres entiers pleins d'EPO et de stéroïdes anabolisants. Plusieurs responsables se sont retrouvés en prison du jour au lendemain ; les soupçons n'épargnaient personne, les cyclistes étaient révoltés par les méthodes utilisées. (...) J'étais de tout coeur avec les coureurs pris dans la tourmente, dont certains m'étaient assez proches, mais d'un autre côté j'avais le sentiment que cette pagaille rétablirait un peu d'équité dans le Tour.

Philippe Gaumont (p.208)

Quand [les Festina] sont exclus du Tour de France 1998, à aucun moment, le peloton ne montre de signe de solidarité. Moi pas plus que les autres. Un bateau est entrain de couler à côté de nous mais on ne tend pas la main. On est juste contents que ce ne soit pas nous (...). Les Festina s'en vont, tête basse, mais qui, dans le peloton, est moins dopé qu'eux ?





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