Actualité du dopage

La crise a-t-elle fait les affaires des tricheurs ?


19/06/2020 - ouest-france.fr - Jean-Pascal Arigasci

Depuis qu’une saleté de virus a mis la planète sens dessus dessous, la scène sportive s’apparente au désert de Gobi, avec pour oasis quelques championnats européens de football. La majorité des sportifs a mis à profit cette parenthèse forcée pour régénérer corps et esprit. Dans le cours d’une carrière, pareille opportunité constitue une rareté. Mais elle a aussi libéré une faille spatio-temporelle dans laquelle certains ont pu être tentés de s’engouffrer. Persuadés de pouvoir « traficoter » en paix, loin des radars du gendarme assoupi. Quand le chat n’est pas là, les souris dansent. Il arrive même que certaines s’étourdissent à en perdre la raison.

La dissuasion au pouvoir

Que fait l’instance missionnée pour pourfendre le dopage quand il n’y a plus ni compétitions ni stages ni échéance à l’horizon ? Elle ne chôme pas, au contraire, insiste Mathieu Teoran : « Le confinement n’a pas été un temps de pause ! Nous avons, certes, réduit les contrôles, notamment parce que la majorité des préleveurs sont des soignants et ont été mobilisés sur le front du Covid-19. Mais nous disposons désormais d’un petit contingent de contrôleurs, employés par l’Agence. » Créée en 2006, l’AFLD (...a repatiné sa stratégie. « J’ai entendu des discours alarmistes pendant le confinement. Pour moi, il n’a pas été un élément déclencheur du dopage. Nous avons fait savoir que les contrôles n’étaient pas arrêtés. Que notre service enquêtes et renseignements était au travail. Nous avons insisté sur la dissuasion »

Comme le glisse le secrétaire général de l’AFLD, la surveillance était en fait facilitée : « Les sportifs de notre groupe cible étant confinés, leur localisation n’était plus un problème. » La temporalité a été aussi un paramètre important. « Nous avons priorisé les sports où les sportifs pouvaient trouver le plus d’intêrét à se doper. » Les sports d’endurance, en particulier, dans lesquels le corps enregistre une mémoire de la pratique dopante. Sachant que « on ne développe pas sa masse musculaire ou le volume de ses globules rouges à la veille d’une compétition »

Le contrôle avec effet retard

Si la partie organisationnelle de l’AFLD est restée sur le pont, le laboratoire de Châtenay-Malabry a fermé ses portes, deux mois durant. Il les a rouvertes récemment. « Mais tous les échantillons ont été congelés et vont pouvoir être analysés. On peut remonter jusqu’à dix ans, c’est devenu classique. Et donc retrouver trace d’une pratique dopante. » L’autre outil réside dans le passeport biologique. (...)

Un tunnel à hauts risques

La période qui s’ouvre est jugée « cruciale » par l’AFLD. Parce que les sportifs sont déconfinés ; qu’ils ont, pour la plupart, retrouvé des échéances. Mathieu Teoran ne se voile pas la face : « Objectivement, le risque de dopage est plus grand. Certains ne se sentent pas prêts et pourraient vouloir compenser leur retard. » D’autres pourraient être tentés d’élever leur niveau en pensant que certains de leurs rivaux étrangers, déconfinés plus tôt, ont pris un temps d’avance.

« Je ne vous détaillerai pas notre stratégie, sourit Mathieu Teoran. Ce que je peux dire, c’est qu’on s’est basé sur un rétroplanning. En se posant des questions. » Exemple : si un athlète doit se doper, quand vaut-il mieux qu’il le fasse ? Et comment ? « Avec le chamboulement permanent des différents calendriers, nos équipes n’ont donc pas cessé de faire et de refaire les protocoles » Le jeu en vaudra toujours la chandelle. « On parle beaucoup des tricheurs. Je ne fais pas d’angélisme, mais j’aimerais qu’on dise que la grande majorité des sportifs respectent leur sport et leurs adversaires. C’est pour les protéger que nous nous battons. »


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Cette page a été mise en ligne le 08/08/2020