Dossier dopage



Dopage : traitons les cyclistes comme les autres travailleurs


03/07/2018 - liberation.fr - Pierre Carrey

Edito La lutte contre le dopage est morte ? Enterrons-la dans la joie et passons à autre chose de plus honnête et plus efficace. Lundi, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a annoncé qu’elle se sabordait devant le vainqueur sortant du Tour de France, Christopher Froome, contraignant l’Union cycliste internationale (UCI) à blanchir le coureur du Team Sky, menacé de sanction depuis un contrôle «anormal» au salbutamol le 7 septembre, une molécule qui soigne l’asthme mais peut aussi améliorer la performance. Ce dénouement dans l’affaire Froome arrose les plaies du cyclisme au vinaigre, loin de les refermer, alors que le 105e Tour de France s’élancera ce samedi, avec Christopher Froome encore favori.

Pourtant, ce n’est pas Sky, son champion, ses avocats qui ont assassiné l’Agence mondiale antidopage. C’est elle qui se suicide, en déclarant que ses règlements sont des passoires. «L’AMA reconnaît que, dans de rares cas, les athlètes peuvent dépasser le seuil limite de concentration [de salbutamol]», écrit celle-ci, alors qu’elle prétendait le contraire quelques mois plus tôt. Il est vrai que les questions de taux ouvrent la porte aux contestations, aux exceptions vicieuses ou de bonne foi, contrairement à un test positif à l’EPO qui condamne d’office, l’EPO de synthèse étant interdite dans l’organisme quelle qu’en soit la dose.

Que faire ? En finir avec la justice pas juste de l’antidopage. Où les gros sports sont épargnés. Où les grands sportifs s’en tirent. Une solution fait son chemin depuis vingt ans, qui pourrait être beaucoup plus poussée : traiter l’abus de médicaments sur le plan de la santé plus que sur le terrain de la morale. Pour ce faire, les contrôles actuels de sang et d’urine doivent permettre de mettre à «l’arrêt», et non de «suspendre», un athlète qui présenterait des signes de fatigue. Comme le ferait d’ailleurs la médecine du travail avec des travailleurs classiques.

Chris Froome serait asthmatique et aurait besoin de salbutamol à grandes bouffées ? Il serait mis au repos. Un autre sportif allergique souhaiterait prendre des corticoïdes ? Il resterait à la maison, principe déjà en vigueur dans les équipes membres du Mouvement pour un cyclisme crédible. Ainsi, plus d’équivoque entre les «corticos» destinés à soigner et ceux qui permettent de se doper.

Le médecin serait bien entendu non pas lié à l’employeur du sportif mais aux pouvoirs publics. Le malade arrêté continuerait de percevoir son salaire. Et s’il était atteint d’une pathologie nécessitant de lourds traitements, la profession de sportif lui serait interdite, une règle difficile qui s’applique déjà cependant à de nombreux métiers. Cette solution a un mérite : concilier les intérêts a priori irréconciliables du sport (qui veut s’épargner le scandale) et des sportifs dopés qui, en vérité, sont aussi les victimes du système.


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Cette page a été mise en ligne le 24/11/2018