Dossier dopage

Frédéric Grappe : "Il existe une alternative au dopage"


12/02/2001 - L'Equipe - Jérémie ARBONA


Pour Frédéric Grappe (*), le dopage n'est pas une fatalité. A l'opposé de la médicalisation à outrance et de la robotisation du cycliste, l'entraîneur de la Française des Jeux préconise un retour à des méthodes saines et basiques pour trancher avec les habitudes plus ou moins détestables d'un peloton déboussolé. (...)

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Comme dit le président de la FFC Daniel Baal, dans un entretien qu'il avait accordé à L'Equipe.fr il y a quelques semaines : "Il faudrait être vraiment idiot pour croire que tout va très bien en France. Et que, à l'étranger, tout va mal, je n'y crois pas non plus. Que cela va beaucoup mieux, c'est une réalité." Ce que confirme le Docteur Gilbert Peres, au vu des résultats du suivi longitudinal "bien meilleurs cette année que les années précédentes." Avec ce bémol du même médecin : "Je pense que les coureurs sont préparés au suivi", la période du mois de décembre aidant. Autre sujet d'inquiétude, le manque de moyens criant dont souffre la politique de lutte contre le dopage en France. (...)".

Le dopage dans le cyclisme, comme dans les autres sports, existe bel et bien, c'est un fait. Et ce, malgré une lutte contre ce fléau menée par l'Etat, la FFC, l'UCI ou le CIO. On a l'habitude d'affirmer que les tricheurs ont une longueur d'avance dans ce domaine. Dans ce cas, la lutte contre le dopage telle qu'on la conçoit aujourd'hui est-elle vraiment efficace ?

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Pour Frédéric Grappe (...), il existe d'autres solutions pour mieux combattre le dopage. Elles résident, selon lui, dans un entraînement mieux encadré et un suivi des coureurs dès le plus jeune âge et, plus généralement, dans la reconnaissance d'un personnage complètement ignoré par le milieu cycliste, celui de l'entraîneur. "Si on regarde le règlement de l'UCI, on peut remarquer qu'il existe une licence de directeur sportif, d'assistant paramédical, de médecin, mais le mot "entraîneur" n'est jamais évoqué. C'est une personne qui n'existe pas dans le cyclisme d'aujourd'hui", déplore Frédéric Grappe, qui se sent véritablement "esseulé" dans le monde du vélo

Pour l'entraîneur de La Française des Jeux, l'absence d'un véritable suivi du coureur au niveau des équipes pourrait favoriser, dans certains cas, le recours aux produits dopants : "Un grand nombre de coureurs ne sont pas encadrés et se débrouillent tout seuls la semaine chez eux. Or, le métier est tellement difficile que, parfois, ils sont mentalement très bas, en état de faiblesse. Ils gambergent. Et dans ces moments de grande solitude, on peut supposer qu'une personne très influente puisse proposer des choses à un coureur. Je le conçois tout à fait. (...) Je ne jette pas la pierre aux coureurs, mais au système, car il suffirait de peu de choses pour faire changer ça."

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Un système qui, selon Frédéric Grappe, "a placé le médecin en haut de la pyramide. Or, les médecins sont formés pour faire de la médecine. Ils n'ont pas un rôle d'entraîneur. Dans le cyclisme, le médecin a été érigé en véritable patron. On - l'UCI, la FFC - lui a donné tous les pouvoirs. Et je crois qu'on s'est complètement fourvoyé depuis des années."

"Il faut travailler à la base et former des coureurs à partir d'un encadrement de qualité au sein des équipes et donner la possibilité aux athlètes de s'épanouir pleinement dans leur activité sportive à l'intérieur d'une véritable structure formatrice", c'est-à-dire offrir aux coureurs une vraie "alternative" au dopage.

Et Frédéric Grappe d'avancer cette idée parmi d'autres : "L'idéal serait de rassembler les coureurs dans un même endroit. (...) On le fait bien dans d'autres sports. (...) Avec les anciens coureurs, ce n'est pas réalisable, parce qu'ils ont pris des habitudes, mais il faut commencer avec les jeunes. Certains sont tout à fait prêts à habiter dans un même lieu. Cela créerait une dynamique de groupe. Il me semble que l'avenir du cyclisme passe par ce genre d'évolution."

(*) Frédéric Grappe, 38 ans, ancien professeur d'éducation physique, docteur en sciences de la vie, enseignant et chercheur au laboratoire des Sciences du Sport à l'Université de Franche-Comté à Besançon. Recherche axée sur la biomécanique et l'entraînement physiologique en cyclisme. Frédéric Grappe est entraîneur consultant auprès de l'équipe La Française des Jeux depuis un an. A pratiqué le cyclisme sur piste et sur route à un bon niveau national jusqu'à l'âge de 23 ans.


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