Brève

La dictature du dopage sous Mc Quaid et Verbruggen


23/04/2013 - cyclisme-dopage.com - Marc Kluszczynski

Après avoir dissout sa Commission " indépendante ", l'UCI s'est finalement ralliée à l'idée de l'AMA, la création d'une Commission vérité et réconciliation (CVR ou TRC en anglais) devant amener à une amnistie du dopage. La condition fixée par John Fahey, président de l'AMA, est que l'UCI reste totalement à l'écart de cette Commission, alors que Pat Mc Quaid voudrait rester maître de la situation. L'AMA impose aussi à l'UCI de ne pas sanctionner les cyclistes qui parleraient sur la manière dont la fédération a mené la lutte antidopage. C'est dire de quelle manière l'AMA considère l'UCI. Car il pourrait s'agir d'une toute autre sanction que la période de suspension réduite des 3/4 pour assistance à la lutte antidopage selon le Code mondial antidopage. Mc Quaid et Verbruggen, président honoraire de l'UCI, sentent le danger et savent très bien que si la Commission mise en place par l'AMA prouvait son efficacité, elle pourrait impliquer leur démission. Les preuves de leur dictature du dopage s'accumulent ; on a appris récemment que lors du retour de Lance Armstrong en 2009, seuls 8 échantillons sanguins du texan sur 39 ont été livrés à l'analyse des experts du passeport sanguin. Que sont devenus les autres ? Et en 2010, l'UCI diminuait de moitié les subventions allouées au programme du passeport et de ce fait les tests sanguins devenaient moins nombreux. On commence à comprendre pourquoi le passeport était entré en léthargie ces dernières années : les dirigeants de l'UCI avaient galvaudé cet outil prometteur.

Le but de cette Commission Vérité et Réconciliation est donc de recueillir des aveux de la part du monde du cyclisme professionnel. Elle devra prouver le mensonge, les rumeurs, les conflits, la peur et la frustration. La condition première du succès de cette Commission est qu'aucun membre de l'UCI n'en soit l'organisateur. On verra si certains membres anti-Mc Quaid du Comité Directeur de l'UCI y participent en tant que témoin (il faut s'attendre à une revanche des russes et on pense à Igor Makarov, car Mc Quaid avait éjecté l'équipe Katusha du Pro-Tour ; celle-ci a été réintégrée par le TAS !). Cette Commission met donc la pression sur l'UCI et il est clair que le salut du cyclisme passe maintenant par la démission de Mc Quaid, Verbruggen et de leur Comité Directeur.

Des Commissions Vérité et Réconciliation ont été mises en place après des périodes de troubles politiques, de dictature ou de répression politique dans de nombreux pays (dont l'Afrique du Sud suite à la politique de l'Apartheid initiée en 1948 par le gouvernement). En Afrique du sud, afin de favoriser les confessions, des menaces de poursuites judiciaires étaient décidées en cas de refus d'aveu des crimes commis. Dans le domaine du dopage, quel serait l'intérêt pour un cycliste d'avouer vu que l'on n'est pas dans le domaine pénal (sauf pour les pourvoyeurs de produits dopants) ? La dictature du dopage instaurée par l'UCI était une manière optimisée qui permettait aux cyclistes de s'adapter à leur métier et aux dirigeants de se remplir les poches. Il était donc plus facile pour un cycliste dopé de déclarer qu'il roulait à l'eau claire et il était plus difficile pour un non dopé d'être respecté dans le milieu. Et si aveux il y a, faut-il s'attendre à des aveux complets quand certains considèrent qu'une transfusion sanguine n'est pas du dopage ! Lance Armstrong n'a pas fait d'aveux complets lors de son show télévisé. Laurent Jalabert va-t-il nous expliquer comment il a gagné la Vuelta en 1995 ? Richard Virenque va-t-il revenir sur ses années Festina alors qu'il vient de lancer sa gamme de compléments alimentaires et qu'il mène une carrière de consultant chez Eurosport ? La réconciliation est-elle possible entre les dopés et les non dopés qui sont passés à côté d'une carrière dans le cyclisme ? La CVR va-t-elle d'un coup de baguette magique supprimer les soupçons sur les performances de certains cyclistes qui n'auraient pas participé à la Commission ? On pense plutôt le contraire et on se demande comment la cohabitation pourrait se faire après l'Amnistie du dopage entre ceux qui auraient avoués et les autres. Avant de mettre sur pied une commission, la vraie question est de savoir si le dopage est amnistiable. La création de la CVR n'aurait donc pour résultat que de faire oublier le problème initial du cyclisme, sans le résoudre. Pour cela, l'éviction des dirigeants actuels est une des conditions nécessaires, renforcée par une augmentation des moyens de la lutte antidopage (moyens financiers, suspension à vie au premier contrôle positif) et la création d'un bureau d'Interpol uniquement consacré au dopage. Mais tout cela, on le sait depuis belle lurette !


Marc Kluszczynski est pharmacien
Il est titulaire du diplôme universitaire de dopage de l'université de Montpellier (2006)
Il est responsable de la rubrique "Front du dopage" du magazine Sport & Vie et collabore à cyclisme-dopage.com


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Cette page a été mise en ligne le 23/04/2013