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Brève |
La formation dirigée depuis sa fondation par Giancarlo Ferretti, 62 ans, surnommé le «Sergent de fer», est numéro un mondial au classement de l'UCI. Les brillantes performances de ses champions sont aussi impressionnantes que leur palmarès «pharmaceutique».
Une machine à gagner. 51 victoires en 2003, dont le Tour de Lombardie et 17 étapes des trois grands tours nationaux. Depuis sa création en 2000, l'équipe cycliste italienne Fassa Bortolo n'a jamais quitté le podium du classement mondial de l'Union cycliste internationale (UCI): troisième en 2000, première en 2001, deuxième en 2002, à nouveau première en 2003. Un bilan exceptionnel, mais terni par une mort dramatique et inexpliquée, celle de Denis Zanette, un coureur décédé à 32 ans d'un arrêt cardiaque en sortant de chez son dentiste, le 10 janvier 2003.
L'objectif de l'équipe en 2004 ? «Rester les premiers», a fièrement annoncé l'entrepreneur Paolo Fassa, sponsor de la formation italienne. Pour triompher, le Signor Fassa a toujours misé sur Giancarlo Ferretti, 62 ans, surnommé le «Sergent de fer», le manager qui dirige l'équipe depuis sa fondation.
Ferretti : un homme introverti, intransigeant, qui exige le meilleur de ses coureurs et de lui-même. En toutes circonstances: «Ces médicaments ? Je les utilise pour améliorer mes performances sexuelles», avait-il ainsi expliqué aux enquêteurs qui, durant une perquisition surprise à Carano Fiemme sur le Tour d'Italie 1997, avaient retrouvé des boîtes de produits dopants (EPO synthétique, hormones de croissance, testostérone) dans le camion et la chambre du masseur de son équipe, la MG-Technogym. Son explication n'a manifestement pas convaincu la Fédération cycliste italienne, qui le condamna à un mois de suspension, une sanction convertie en amende avec avertissement après appel.
Ferretti : un homme confiant. «Tout s'est bien passé», déclarait-il en sortant de la caserne des Carabiniers de Bologne, le 7 avril 1999, après un interrogatoire de trois heures conduit par le magistrat Giovanni Spinosa qui voulait en savoir davantage sur les achats effectués par le directeur sportif à la pharmacie Giardini Margherita, véritable plaque tournante du dopage en Italie. Le 15 mars 2001, Spinosa renvoyait Ferretti devant un tribunal pénal, avec l'accusation d'exercice abusif de la profession de pharmacien.
Paolo Fassa, lui, a toujours accordé sa confiance au respecté Giancarlo Ferretti. Les résultats sportifs lui ont donné raison. Nommé manager de la Fassa Bortolo, Ferretti s'est aussitôt entouré d'un adjoint efficace: Alberto Volpi. Cet ex-coureur professionnel défraya la chronique en 1993. Déclaré positif à la gonadotropin (hormone femelle) au terme de la Leeds International Classic, il avait été disqualifié et exclu de l'équipe italienne avant le Mondial d'Oslo. Néanmoins, la peine fut suspendue pour vice de forme lors du contrôle antidopage.
Giancarlo Ferretti a toujours su miser sur les coureurs gagnants. Compréhensif et miséricordieux, il oublie volontiers leur passé parfois trouble. Sous l'élégant maillot blanc et bleu de la Fassa Bortolo se sont ainsi retrouvés nombre de coureurs en quête de rachat. Le prometteur Alberto Ongarato, par exemple, lancera les sprints de la vedette Alessandro Petacchi (une modeste victoire d'étape au Tour de Malaisie entre 1996 et 1998, mais plus de 50 victoires depuis qu'il a rejoint Ferretti en 1999). Ongarato fut suspendu six mois après avoir été trouvé en possession de Nesp, caféine et haschich le 27 mars 2002.
Mais la Fassa attend également beaucoup de ses «jeunes», comme le talentueux Ukrainien Vladimir Gustov, mis en «arrêt de travail» avant le départ du Tour de Romandie 2002 en raison d'un hématocrite supérieur à la limite autorisée (la Fassa Bortolo avait promptement financé un test certifiant l'hématocrite naturellement élevé de Gustov) ou encore le Toscan Francesco Chicchi, champion du monde des moins de 23 ans à Zolder en 2002, dont le domicile fut perquisitionné le 17 avril 2003 lors d'une opération d'envergure des NAS (brigade des stupéfiants) dans le cadre du démantèlement d'un trafic de produits dopants cachés dans des cassettes vidéo.
Cette jeune génération sera épaulée par «la vieille garde» formée de Roberto Petito (positif aux stéroïdes anabolisants sur le Giro 1997 mais non suspendu parce que le test B n'avait pas été réalisé) et de Marco Velo, trois fois champion d'Italie du contre-la-montre (positif au salbutamol en 2000 mais blanchi grâce à un certificat médical; vainqueur mais disqualifié en 2001 pour positivité à l'éphédrine).
L'an dernier, Ferretti a démontré l'étendue de son pardon en engageant le fils prodigue, Dario Frigo, un coureur qu'il avait personnellement licencié durant le Tour d'Italie 2001. Frigo, porteur du maillot rose de leader, en avait été exclu après le «blitz» des NAS à Sanremo, qui avait permis de retrouver dans ses bagages des seringues utilisées (hormones de croissance), des pansements à la testostérone et deux mystérieuses fioles (qui se sont avérées être de l'eau salée).
Cet hiver, pour compléter son effectif, Giancarlo Ferretti a recruté deux coureurs de poids. Fabio Sacchi, un homme d'expérience: le Parquet de Padoue vient de demander, en novembre dernier, sa traduction en justice, avec l'accusation d'avoir été fourni en IGF1, GEREF et GH par Ciro Birra, un dealer napolitain. La seconde recrue de Ferretti est «un cheval fou», selon les propos de Paolo Fassa. Une définition originale pour évoquer Frank Vandenbroucke, un coureur impliqué dans l'affaire Saiz-Lavelot en 1999, suspendu six mois par la Ligue vélocipédique belge en mars 2002 suite à une perquisition à domicile où il fut trouvé en possession d'EPO et d'anabolisants («c'est pour mon chien», s'était-il justifié devant le magistrat Christian Dufour) et récemment renvoyé devant un tribunal pénal pour cette même affaire. Pour conseiller médicalement son équipe de champions, Giancarlo Ferretti s'est entouré d'un grand professionnel: le docteur Emilio Magni, ex-médecin de la Mercatone Uno de Marco Pantani.
Cette page a été mise en ligne le 26/10/2024