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Actualité du dopage |
Au moment où Olav Kooij écrasait la concurrence sur le Tour de Grande-Bretagne avec quatre victoires d'affilée grâce à un Wout van Aert équipier de luxe, l'hydre à trois têtes de la Jumbo-Visma a plané sur la Vuelta. Trois têtes ? Peut-être davantage, selon la réponse un tant soit peu provocatrice de Primoz Roglic à un journaliste de la RTBF après la 8ème étape (Xorret de Cati). Alors qu'il s'aligne sur son 3ème grand Tour cette année, l'américain Sepp Kuss devenait alors leader malgré lui. Après un démarrage qui lui fera prendre 20 m d'un coup, il avait dû attendre ses deux leaders, Roglic et Jonas Vingegaard. Le grimpeur de Durango, pas vraiment spécialiste des contre-la-montre plats, étonnera même lors de la 10ème étape, un CLM individuel de 25,8 km à Valladolid avec juste une petite côte de 100 m de dénivelé. Il finira 13ème à 1 min 29 du vainqueur Filippo Ganna et pas si loin de Vingegaard, 10ème à 1 min 18. Des consignes d'équipe (garder le maillot de leader) peuvent-elles expliquer cette performance ? Lors du Giro, en mai, Kuss avait terminé 68ème du chrono plat de la 1ère étape. Mais la Vuelta nous réserve souvent des performances étonnantes. Cette année, a été le bouquet final d'une saison que l'on qualifiera de Jeux du Cycle.
Avec la bénédiction de l'ubiquitaire David Lappartient et de l'agence indépendante (?) ITA, créée et payée par le CIO, il n'y a pas eu de contrôle positif en World Tour l'année dernière. Cette année, on n'a qu'à se mettre sous la dent un contrôle positif, chez Jumbo-Visma tiens, tiens, avec un diurétique retrouvé chez Michel Hessmann le 14 juin dernier. Qu'avait -t-il à éliminer 15 jours avant le Tour de France ? Alors que Jumbo-Visma n'a jamais été aussi dominatrice, l'équipe hollandaise (dont un des sponsors se nomme Hema, mais après vérification, son activité ne concerne que les articles d'ameublement) a gagné les trois grands Tours. Une première dans l'histoire du cyclisme moderne (1).
Sepp Kuss égale Eduardo Chozas (en 1991, 6, 10 et 11ème sur les trois GT) avec la 2ème place sur ce triplé derrière Alejandro Valverde (3, 6 et 12ème en 2016), grâce à sa victoire offerte par ses leaders sur cette Vuelta. Le 4ème est Carlos Sastre (8, 20 et 7ème en 2010). Tiens, trois cyclistes espagnols ! Mais il se pourrait bien que la police allemande, ayant perquisitionné le domicile d'Hessmann, détienne les clés dans cette mascarade à laquelle on assiste depuis trois ans.
Deux triplés et des miettes
L'équipe Jumbo Visma a assuré le triplé lors de 13ème étape du Tourmalet. Il faut remonter à 1994 et 1996 pour observer une telle domination : la Gewiss- Ballan préparée à l'EPO par le Dr Michele Ferrari pour la Flèche Wallonne 1994 (Moreno Argentin, Giorgio Furlan et Evgueni Berzin) (2) et la Mapei pour Paris-Roubaix 1996 (Johan Museeuw, Gianluca Bortolami et Andrea Tafi). Rebelote avec un 2ème triplé dans la 17ème étape de l'Angliru (12,4 km à 9,8% de moyenne, avec des passages à 24%). Malgré la victoire de Jonas Vingegaard la veille, dédiée à Nathan Van Hooydonck accidenté (3), les positions resteront figées avec la victoire de Sepp Kuss, Vinegaard étant 2ème à 17 seconde et Roglic 3ème à 1 min 08. Le patron de la Jumbo, Richard Plugge, a expliqué cette domination de ses huit coureurs par la diététique et l'entraînement en altitude pratiqué à un niveau jamais atteint en cyclisme. Il a évidemment balayé les insinuations de dopage mécanique lancées par Jérôme Pineau, ex-directeur de la défunte équipe B&B Hôtels. Les autres équipes sont reléguées au rang d'amateurs alors qu'elles s'entraînent sérieusement elles aussi.
Les Espagnols doivent se contenter des 4, 5 et 6èmes places avec Juan Ayuso (à 3 min 44), Mikel Landa (à 4 min 03) et Enrique Mas (à 4 min 14) alors qu'ils brillent habituellement sur leur Tour national. Jamais un grand Tour n'a été aussi énervant ! La critique est interdite, l'omerta est omniprésente, et Remco Evenepoel en est réduit au rôle de bouffon des rois, avec son beau maillot à pois bleu et après avoir perdu 27 min dans le Tourmalet.
(1) Lors de Vuelta 1966, l'équipe KAS a occupé le podium avec Francisco Gabica, Eusebio Vélez et Carlos Echeverria, sans parler des 5, 6 et 7èmes places.
(2) Lors du Giro 1987, on pouvait relever le triplé des Panasonic lors de la 1ère étape, un CLM de 31 km, avec Eric Breukink, Phil Andersson et Robert Millar. Cette année-là, Stephen Roche remportait le Tour, le Giro et les mondiaux, le seul à l'avoir fait avec Eddy Merckx. Il pouvait dire merci à l'EPO.
(3) Nathan Van Hooydonck a fait un malaise cardiaque au volant de sa voiture le 12 septembre et a percuté au feu rouge une file de voitures arrêtées.
Marc Kluszczynski est pharmacien
Il est titulaire du diplôme universitaire de dopage de l'université de Montpellier (2006)
Il est responsable de la rubrique "Front du dopage" du magazine Sport & Vie et collabore à cyclisme-dopage.com
Cette page a été mise en ligne le 19/09/2023