Actualité du dopage

Le dopage est une réalité du cyclisme, mais allez donc le démontrer !


11/01/1997 - Gazette de Lausanne - Jean-Louis Ezine

Il est aujourd'hui pratiquement impossible de prouver qu'un athlète s'est dopé tant les obstacles juridiques sont énormes.

La récente mesure de clémence dont ont bénéficié Jacky Durand et Thierry Laurent pour vice de procédure en est le dernier exemple.

Il est désormais plus facile à un théologien de prouver l'existence de Dieu qu'à une commission d'experts de démontrer qu'un sportif s'est dopé. C'est ainsi que Jacky Durand et Thierry Laurent, deux cyclistes français qui avaient été convaincus de dopage, l'an dernier, à la faveur des contrôles médicaux effectués à l'issue de la Côte picarde et des Quatre Jours de Dunkerque, ont vu leur peine commuée pour vice de procédure.

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Tels sont les effets pervers de la distorsion entre les réglementations internationale et française d'une part, que viennent encore aggraver, d'autre part, les appréciations contradictoires de la loi sportive et de la loi civile. Ll est par exemple pratiquement impossible à la Fédération française de faire appliquer les règles édictées par l'Union cycliste internationale, dont elle dépend, sans contrevenir à la déconcertante et fameuse "loi Bambuck", qui ne concerne que les infractions commises sur le territoire français, mais dont le juridisme forcené dresse tant d'obstacles à la détermination du délit qu'elle revient presque à l'interdire. La conviction objective des autorités légitimes de tutelle, médicales ou administratives, quant à la réalité d'une faute est ainsi régulièrement balayée par les innombrables scrupules du législateur.

"L'excès de conscience dégénère en infirmité. Méfiez-vous des scrupules. Ils mènent loin, disait Victor Hugo, qui ne connaissait rien du vélo, mais tout des hommes. Le dopage, aujourd'hui, c'est un peu comme le théorème de Fermat : on sait qu'il est vrai, mais allez donc le démontrer ! Tout se passe comme si, entre les forces de la tricherie et celles de la morale, on laissait l'hypocrisie assurer la médiation.

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Les athlètes eux-mêmes, effrayés par l'espèce de liberté sauvage que leur octroie le système, ont fini par s'émouvoir de cette situation: au-delà de l'éthique sportive, c'est leur santé qui est en jeu. Les produits les plus dangereux (tels l'érythropoïétine - la trop fameuse EPO - ou encore l'hormone de croissance) ne sont pas même recherchés faute de techniques fiables, ce qui rend presque dérisoires les affaires connues, du type Durand.

On voit par là que le plus grand désordre règne en Tartuffie, le premier pays cycliste .au monde, hélas inconnu de la géographie officielle, si l'on fait exception pour quelques explorateurs. Tout est à revoir dans cette course inégale entre les gendarmes et les dopeurs. Daniel Baal, le président de la Fédération française, Jean-Marie Leblanc le patron du Tour de France et Roger Legeay, président de la ligue du cyclisme professionnel français, s'en sont récemment émus dans une lettre ouverte, destinée aux pouvoirs publics: c'est à eux qu'incombe la responsabilité de mettre un terme à cette terrifiante guerre à la chimie, et d'abord de réunir autour d'une table si possible ronde, pour éviter les querelles de préséance, tous les protagonistes de la planète pédalante.

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Cette page a été mise en ligne le 18/02/2015