Le 24/10/2000, Richard Virenque a enfin avoué s'être dopé. La re-lecture de son livre rend pitoyables les gesticulations et dénégations de celui qui se disait homme d'honneur et osait déclarer que le dopage est "un crime vis-à-vis des sportifs" (in Le Procès du Tour - Fabrice Lhomme - Denoël - p. 194) .

Cruelles sont les pages où il citait les témoignages de soutien de ses supporters, le tout sous le titre "Ils ne m'ont pas trahi". Lui les a trahi...

La page ci-dessous a été écrite avant les aveux.



Richard Virenque : sa vérité !

"L'"Affaire" Virenque passée au crible", tel est le sous-titre du livre que le grimpeur français publie pour sa défense en 1999.

Comme l'auteur a "voulu que ce livre existe afin de [se] soumettre au tribunal de [ses] lecteurs et de [ses] supporters, qui seront [ses] seuls juges", il n'est pas illégitime d'apporter ici quelques remarques pour alimenter le débat.

En préambule, notons que dans ce livre Richard Virenque n'admet jamais explicitement que certains de ses coéquipiers aient eu recours au dopage. On pourrait admettre qu'il l'ait ignoré pendant plusieurs années. Mais pourquoi continuer à l'ignorer après les aveux de ses coéquipiers ? Et si, Richard Virenque admettait ce fait, pourquoi ne pas prendre position vis à vis de ce comportement ? Avoir été entouré, épaulé, porté vers les sommets par des tricheurs le laisse-t-il indifférent ?

 

Amphétamines et anabolisants, produits dépassés ?

P. 72 : "Les amphétamines qui se détectent lors des contrôles antidopage comme le nez au milieu du visage, n'ont évidemment plus cours sur le Tour de France depuis des décennies. Les anabolisants, qui sont utilisés par certains durant les périodes d'entraînement, mais jamais durant les compétitions, pour la même raison que les amphétamines, sont là aussi inenvisageables dans le cadre d'une telle compétition."

Pourtant, on verra dans l'annuaire du dopage que nombre de coureurs ont eu recours à ces produits ces dernières décennies :

- 8 en 1999,
- 12 en 1998,
- 2 en 1996,
- 2 en 1994,
- 2 en 1992,
- 2 en 1990,
- 25 dans les années 80, etc.

Encore faut-il préciser que ces chiffres sont très en dessous de la réalité car beaucoup de sanctions répertoriées dans l'annuaire du dopage ne précisent pas quel est le produit incriminé.
Précisons aussi que Christophe Moreau, coéquipier de Richard Virenque, fut contrôlé positif à la Mestérolone lors du Critérium International 1998.
Sur ce sujet, au moins, la vérité de Richard Virenque ressemble à une erreur de jugement, voire à une contrevérité.

 

Céphyl®, pas si homéopathique que ça !

P. II : "J'ai été questionné sur l'usage que je faisais du Céphyl (R). Le Céphyl (R) est un anti-douleur homéopathique".

Pas si homéopathique que cela. En effet, ce médicament contient bel et bien des substances allopathiques comme il est rappelé sur le site Paracelse, que l'on peut supposer digne de foi puisqu'il est géré par l'Unité de Toxicologie Clinique et Centre Anti-Poisons du CHU de Grenoble.
Qui plus est, le Céphyl® fait partie de la liste indicative des spécialités pharmaceutiques françaises contenant des substances dopantes (
www.fair-play.org). Cette même liste est publiée dans Tout savoir sur le dopage par le Docteur Michel Bourgat. Ce même Docteur Bourgat dont Richard Virenque salue "l'objectivité sans faille" à la page 144.
Le Céphyl® contient notamment de la caféine et de la Strychnine, tous deux de la classe des stimulants (
www.dopage.com).
Dans son jugement du 26/5/2000, la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris rappelle que le Céphyl® "peut (...), par son action fluidifiante, constituer un produit faussant les contrôles antidopage".

Dans la composition rappelée par Richard Virenque, la Strychnine a été oubliée...
Dommage que le coureur oublie de répondre dans son livre à la question : quel usage fait-il du Céphyl® ?

 

Armée afghane ou armée lilliputienne ?

P. 72 : "Le vendredi 8 juillet [1998], Willy Voet (...) s'est fait épingler (...) dans une Fiat du Tour chargée" d'une cargaison record de produits. Parmi lesquels : quatre cent soixante flacons et ampoules d'amphétamines, anabolisants et autres médicaments dont de l'EPO sous diverses formes. De quoi alimenter une armée afghane, au bas mot !"

Une petite armée alors... A raison de 2 flacons ou ampoules par jour et par individu, on peut "alimenter" une armée afghane de 9 soldats (ou une équipe du Tour) pendant à peine... 26 jours !

 

Avocat du cyclisme

P. III : "Maître Lavelot, un éminent avocat du cyclisme".

Les raccourcis sont parfois dangereux ! Préférons la présentation qu'en fait Bernard Sainz (alias Docteur Mabuse) dans "Les stupéfiantes révélations du Dr. Mabuse" : "personnage (...) qui défend brillamment, et depuis très longtemps, les coureurs cyclistes accusés de dopage devant la Fédération. A chacun sa spécialité."
On allait le dire... Et ceci sans attenter à l'honneur de la profession d'avocat.

 

Aveux et pression policière

P. 14 : "Je ne jette pas la pierre aux coureurs de chez Festina qui ont avoué sous la pression policière avoir consommé de ce produit [l'EPO], mais je dis, ce qui me paraît être une lapalissade, que chacun réagit dans la plus stricte intimité de sa conscience. (...) Certains ont une sensibilité plus à vif et sont vite impressionnés par le dispositif bien huilé des policiers qui instruisent la question. En entrant à l'hôtel de police, ils se sentent coupables".

Est-ce à dire que s'ils avaient mieux supporté la pression policière, ils auraient pu, à l'instar de Richard Virenque, dissimuler le fait qu'ils consommaient de l'EPO ? Ou est-ce à dire que découvrant la conduite répréhensible de ses coéquipiers, Richard Virenque ne leur en veut nullement ?

 

Déments aveux

P. 15 : "Mais le plus dément, dans cette passe d'armes, c'est de voir Christophe Moreau avouer avoir eu recours à l'EPO alors que ses analyses l'innocentaient".

Rappelons qu'à l'époque l'EPO restait indécelable dans les urines. Richard Virenque veut sûrement dire que le taux d'hématocrite de Christophe Moreau était inférieur à 50% le jour des analyses.
Notons que, tout d'abord, ceci ne signifie pas qu'il n'y ait pas eu consommation d'EPO et, ensuite, que Christophe Moreau n'est pas revenu sur ses aveux.
Ainsi donc, Richard Virenque trouve dément qu'un consommateur d'EPO passe aux aveux alors même qu'il avait les moyens juridiques d'échapper aux sanctions. Doit-on en déduire que placé dans la même situation, Richard Virenque n'aurait (n'a ?) pas avoué ?
Etonnant de la part celui qui ajoute, toujours page 15 : "J'ai conservé de mon enfance et de mon éducation le respect de la loi et de ceux qui la font respecter".
Rappelons aussi, une nouvelle fois, que Christophe Moreau fut contrôlé positif à la Mestérolone lors du Critérium International 1998.

 

Fragile esprit de corps

P. 28 : (A propos de l'équipe Festina), "Nous étions soudés et [un] réel esprit de corps nous guidait".

En dépit de cet esprit de corps, certains se dopaient à l'insu de leur leader et sous le contrôle de leur entraîneur. Curieux et fragile esprit de corps...

 

Zülle et Dufaux et consorts

P. 48 (à cet endroit, Richard Virenque a laissé la parole à son frère Lionel) : "Ainsi que je l'avais lu dans un magazine pendant le Tour : Virenque, Zülle, Dufaux et consorts, avaient-ils plus besoin que les autres de traitements spéciaux pour briller au niveau qui était le leur ?"

Pour deux d'entre eux, au moins, la réponse est "oui" si l'on en croit leurs aveux !

 

Cruel exemple

P. 69 (cette fois Richard Virenque rapporte les propos de son manager Didier Girard) : "Souviens-toi : il y a cinq ans, l'affaire OM-Valanciennes ! C'était déjà lui [Didier Deschamps] le capitaine de l'OM, on les traitait tous de tricheurs, d'escrocs. (...) Deschamps, avec ses coéquipiers, il s'en est pris plein la gueule. Regarde aujourd'hui, il est à nouveau en haut de l'affiche. Pense à de belles choses..."

Didier Girard est cruel. Il prend exemple sur un club, l'OM de l'époque Tapie, dont la conduite frauduleuse et antisportive a été établie devant les tribunaux. Souhaite-t-il la même chose à son poulain ?

 

Droit dans ses bottes

P. 126 : Le docteur Ryckaert affirme, lui, qu'il s'est contenté de superviser les prises de certains coureurs. Je ne me sens pas concerné."

Certains de ses coéquipiers se dopent et Richard Virenque ne se sent pas concerné !

 

Ne pas confondre "Rapport d'expertise" et "Observations sur le rapport d'expertise"

P. 134 : "Or, messieurs les accusateurs, les résultats de mes analyses, les voici, ainsi que les observations présentées à ce sujet au juge d'instruction, Patrick Keil".

Suivent plusieurs pages qu'une présentation tendancieuse voudrait nous faire passer pour le résultat des analyses alors qu'il ne s'agit que des observations présentées par son avocat. On se doute que ce dernier ne "charge" pas son client !

 

Un expert incompétent aux compétences reconnues

P. 149 (A propos des experts qui ont conduit les analyses toxicologiques des différents prélèvements subis par Richard Virenque) : "Si la renommée de Françoise Bressolle et Gilbert Pépin ne dépasse pas le cercle des initiés, il est un fait patent que leurs compétences sont reconnues dans le domaine de la toxicologie".

Citons en parallèle les commentaires de Maître Philippe Gombert sur le même rapport d'expertise, à propos du même Gilbert Pépin : "une telle incompétence se dispense de tout commentaire, mais suffit néanmoins à réduire à néant les entières conclusions pour le moins extrêmement hasardeuses de l'expert". Rappelons que Maître Gombert est l'avocat de Bernard Sainz dans l'affaire dite "Mabuse/Lavelot", tandis que Maître Lavelot est l'avocat de Richard Virenque dans l'affaire "Festina"...

 

Incitation au dopage

P. 184, (à propos de l'EPO) : "Vous viendrait-il à l'idée de dire à quelqu'un : "Ne prends pas de ça, c'est interdit. Mais si tu en prends, en fait, rassure-toi, ce n'est pas décelable. Ou alors si peu ! En outre, ce produit te permettra de mieux marcher." Dans un univers libéral où les résultats sont le moteur de la valeur marchande, c'est proprement une incitation".

Argument pernicieux qu'on retrouve, notamment, sous la plume de Bernard Sainz. Pourtant, l'EPO a été utilisé par les sportifs avant d'être interdit. Ils n'ont pas attendu d'y être incités pour l'utiliser.

 

Sportifs et Golden boys

P. 182 : "Et, que je sache, on ne soumet pas à des contrôles les Golden Boys qui fonctionnent au Prozac ou à je ne sais quels dérivés cocaïnés."

C'est le "Tous dopés, même mon banquier". Pourquoi refuser aux uns ce qu'on accorda aux autres ? Encore un argument pernicieux et qui revient sans cesse. Heureusement, Richard Virenque, lui-même apporte la réponse, trois pages plus loin : "Les sportifs sont des exemples pour la jeunesse. Les coureurs en particulier."

 

(Presque) tout de lui-même

P. 192 : "Il y a aussi les anonymes, des milliers d'anonymes. Sans doute les mêmes qui venaient devant leur écran de télévision. Ceux pour qui je représentais un symbole (...). J'étais (...) un fils spirituel, quelqu'un qui respectait les autres. En donnant tout de lui-même."

P. 159 : "Depuis que j'ai ma résidence principale en Suisse".

Richard donne "tout de lui-même" à ses supporters, sauf ses impôts...



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