Actualité du dopage



Révélations de l'agent de Gilbert: "Les moteurs? L'UCI est au courant depuis 2010 !"

18/04/2016 - rtbf.be - avec AP


Vincent Wathelet est producteur de courses cyclistes en télévision. Il est aussi agents de coureurs, comme Philippe Gilbert, Arnaud Démare et Boris Vallée notamment. Depuis plusieurs années déjà, il tente de dénoncer l'arrivée du dopage mécanique dans les pelotons professionnels.

François Zaleski : Vincent Wathelet, les vélos électriques dans le peloton professionnel, ce n'est pas neuf pour vous. Ca fait d'ailleurs longtemps que vous dénoncez leur utilisation...

Vincent Wathelet : "Oui il y a déjà très longtemps, Stefano Varjas (ancien coureur hongrois désormais ingénieur et concepteur de moteurs miniatures pour vélos) avait approché un des coureurs dont je suis très proche en lui disant qu'il avait perdu de nombreuses courses par rapport à des concurrents qui utilisaient des vélos électriques. Ce que l'on voit dans le reportage, il le lui avait déjà montré il y a trois ans. Je suis alors entré en contact avec cet ingénieur. Je lui ai demandé des explications. J'ai fait équiper un vélo de toutes ces choses prohibées pour pouvoir démontrer à l'UCI que cela existe et que c'est utilisé. C'est le cas dans de très nombreuses courses de jeunes mais aussi chez les pros depuis pas mal d'années. On parle beaucoup de 2010 (ndlr : démarrages et victoires de Fabian Cancellara au Tour des Flandres et à Paris-Roubaix) mais j'ai même la preuve que c'est dans le peloton depuis plus longtemps que çà."

Cela fait donc plusieurs années que vous avez alerté l'UCI?

"Absolument. J'ai également fait des remarques à l'UCI concernant des Cyclocross de Coupe du Monde que je produis en télévision. J'ai fait des rapports au président de la fédération monégasque de cyclisme, Umberto Langellotti. Il me soutient à 100% depuis que je m'intéresse à ce dossier. Et il fait lui aussi du "reporting" au sein des assemblées de l'UCI. On s'est d'ailleurs beaucoup battu lui et moi pour faire changer le règlement parce qu'à l'époque, un coureur qui aurait été attrapé avec une aide mécanique ou électrique risquait 100 francs suisse d'amende. C'était donc aberrant."

"(...) Il est clair que depuis que les dérailleurs électriques sont arrivés dans le vélo, ça facilite beaucoup la triche puisqu'il y a déjà d'office une batterie et donc de l'alimentation. Après, des ingénieurs assez sophistiqués ont développé ce produit, pas pour des courses cyclistes au départ mais pour d'autres sports (ndlr : des courses de moto) mécaniques."

Comment expliquer que l'utilisation de moteurs dans le peloton n'ait pas été dévoilée plus tôt si cela existait déjà avant 2010 ?

"Moi j'étais scandalisé. Je me suis plaint à de nombreuses reprises auprès des instances dirigeantes. J'ai dit que les contrôles étaient insuffisants, que le scanner de l'UCI était un jouet donc qui ne permettait vraiment pas de pouvoir contrôler efficacement. Rappelez-vous de ces scanners que l'on a vu arriver en 2011 et 2012. Ils n'avaient pas la capacité de vérifier les sources d'énergies complémentaires et la chaleur."

"Les caméras thermiques sont le seul moyen de pouvoir démontrer qu'effectivement un vélo délivre une source d'énergie anormale, qui n'est pas un frottement, qui provient d'une utilisation de batteries. Le système de contrôle actuel, est arrivé enfin dans les cyclocross à l'initiative d'un dirigeant belge (ndlr : Thierry Maréchal, président de la fédération wallonne de cyclisme), c'est ce qui a permis de coincer Femke Van den Driessche au championnat du monde de cyclocross à Zolder. Mais il faut dire qu'elle utilisait la première génération de moteurs."

C'est à dire ?

"En fait, à l'époque, le deuxième bidon disposé le long du cadre servait de batterie. (...) On pouvait préparer un vélo avec un tel moteur pour 7500 euros."

Ce matériel est encore utilisé aujourd'hui ?

"Oui d'après mes enquêtes, 1350 moteurs ont été vendu en 2015. Et je ne pense pas que ce soit uniquement pour des cyclotouristes ou des personnes qui veulent épargner leur coeur... Cela dit, aujourd'hui les nouveaux moteurs sont plus chers (entre 50.000 et 200.000 euros) et très sophistiqués. A la base, ils sont utilisés dans l'aérospatial pour ouvrir les volets d'un satellite quand il est mis sur orbite. Vous imaginez donc à quel point ces moteurs sont résistants et puissants. Ce qui veut dire aussi que ce type de matériaux qui coutent très cher n'est pas facilement reconnaissable dans un scanner."

"Ce matériel peut être enclenché soit par vos battements de coeur dès que vous dépassez un certain rythme cardiaque. En général, la limite est fixée à 160 battements ce qui vous permet de récupérer pendant que votre moteur compense. Mais comme tout est miniaturisé c'est très difficile à déceler..."

Dans le reportage de France 2, on voit aussi Stefano Varjas présenter une roue électromagnétique activée à distance. Ça, c'est encore plus performant ?

"Lors du dernier Tour de France, j'étais scandalisé de m'apercevoir que certaines équipes, et non des moindres, enlevaient les roues à peine la ligne franchies et ensuite, sur les home-trainers, ils utilisaient les vélos sans les roues. C'est assez incompréhensible pour moi. J'ai alerté les autorités j'ai alerté beaucoup de monde mais malheureusement il faut toujours attendre qu'une personne soit prise vraiment sur le fait pour qu'il y ait une réelle réaction."

Et à votre avis, l'UCI a-t-elle réagi assez vite ?

"Le vrai problème c'est qu'en apprenant tout ça, vous êtes d'abord horrifiés, moi le premier. Parce que pour moi c'est pire que n'importe quelle tricherie. (...)

Mais bon, c'est tellement sophistiqué que pour l'UCI ce n'est pas simple. Comme beaucoup de gens, ils y croyaient sans trop y croire même si ils savaient que ça existait. Dans le monde du sport et principalement le cyclisme, il y a souvent une sorte d'omerta. Vous savez combien d'années il a fallu pour diminuer les produits dopants et prendre des mesures très fortes pour que cela disparaisse?

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Cette page a été mise en ligne le 19/04/2016