Actualité du dopage



Magnien : Les jeux s'éloignent

25/08/2000 - L'Equipe - Jean-Luc Gatellier

Extraits

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Dans un communiqué publié dans la soirée et rédigé par son conseil, Magnien se disait « scandalisé par cette décision inique, qui condamne un innocent ». Il ajoutait qu'il tiendrait une conférence de presse, aujourd'hui, à Versailles, pour rendre publiques « les actions judiciaires (qu'il va) engager à l'encontre de tous les responsables du préjudice d'ores et déjà subi (atteinte à ma dignité et à mon honneur, violation du secret de l'instruction disciplinaire et du secret médical) et à venir (privation des Jeux Olympiques) ».

Adhérant au système de défense établi par son avocat, Me Liger, Magnien a ainsi fait porter la responsabilité de son contrôle positif au Dr Gérard Guillaume : « Quand le médecin m'a fait l'injection, je lui ai demandé si je pouvais avoir des problèmes en cas de contrôle anti dopage, racontait-il. Il m'a répondu que non à condition que je présente mon carnet de santé, où l'utilisation du Kénacort 80 était précisée. J'avais entière confiance dans le Dr Guillaume, qui est à la fois médecin fédéral et médecin d'équipe. J'ai commis une erreur car, malheureusement, il ne connaissait pas le règlement sur le bout des doigts. Je n'aurai pas accepté le Kénacort s'il y avait un risque de sanction. »

Là-dessus, un membre de la commission faisait remarquer à Magnien qu'il était lui-même censé être au courant du règlement...

Emmanuel Magnien a été sanctionné de six mois de suspension assortis du sursis et mis hors course du dernier Tour de France par la formation disciplinaire de la Ligue du cyclisme professionnel français, réunie hier au siège de la Fédération française, à Rosny-sous-Bois, sous la présidence du Pr Jean-François Lachaume.

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Le 29 juin, soit deux jours avant le départ du Tour de France, Emmanuel Magnien s'était rendu dans le cabinet privé, à Paris, du médecin de La Française des Jeux, où ce dernier allait lui injecter de la cortisone par voie intramusculaire. « Il a eu une crise très forte, et nous étions dans l'impasse, rapportait le Dr Guillaume. Je lui ai dit : "Si on ne fait rien, tu ne pars pas à cause de ton allergie ; mais si je te pique, tu ne pars pas non plus car l'injection intramusculaire est interdite." Il m'a répondu qu'il voulait absolument faire le Tour et le terminer pour la première fois. À partir de ce moment-là, je n'avais pas le droit de ne pas le traiter avec le seul produit efficace sur le marché. J'ai donc fait cette injection en l'inscrivant sur son carnet de santé. Si j'avais voulu tricher, il aurait suffit de mentionner le mot "intra-articulaire". Mais ç'aurait été un faux et, bien sûr, je m'y suis refusé. »

Pour l'avocat, le Dr Guillaume « n'est pas un tricheur » et il a « choisi la seule thérapie possible » afin de soigner le coureur. Mais pour le reste, Me Liger a tenu des propos très durs à l'encontre du médecin, qu'il a accusé d'avoir « péché par simple incompétence » et qui a, selon lui, commis deux fautes au regard de la loi antidopage de 1999. « Il n'a pas mentionné le mode d'administration sur le carnet de santé ni averti Magnien, par écrit, que l'usage des corticoïdes était soumis à certaines restrictions, et de l'incompatibilité de la pratique sportive qui en résout. Emmanuel Magnien a été victime d'un médecin en qui il avait totalement confiance, dont la faute n'est pas gravissime, mais lourde de conséquences pour le coureur. (...)»

Le Dr Guillaume s'était dit « consterné » par ces accusations en quittant le siège de la FFC. « Je crois que vous ne me verrez plus beaucoup dans le cyclisme », avait-il ajouté. Joint à son cabinet, il se déclarait « sur le plan médical en parfaite harmonie avec sa conscience professionnelle ». Et à son tour, il ne mâchait pas ses mots : « Pour ce qui est de l'aspect humain, c'est minable, c'est déplorable. Ça me dégoûte, mais au fond, la défense choisie par "Manu" est en accord avec sa personnalité. Je n'ai pas honte, moi, je peux me regarder dans la glace. »

Alors lequel, du coureur ou du médecin, « ment ou a été imprudent », comme s'interrogeait un membre de la formation disciplinaire ? Le Dr Guillaume a-t-il abusé de celui que Me Liger décrit lui-même comme un « modeste maçon devenu coureur », avant d'affirmer, sans retenue, que le médecin l'a pris « pour un débile et un demeuré » ? Est-ce Emmanuel Magnien, dont son directeur sportif affirme que chacun de ses coureurs n'ignore rien des circulaires de l'UCI à propos de l'utilisation des corticoïdes ? Et si une partie de la réponse était contenue dans cette déclaration du coureur à sa sortie de la séance : « Je ne lui en veux pas (au médecin), mais c'est moi qui risque d'être sanctionné et qui doit me défendre. Alors je me suis défendu avec les armes que j'avais... »

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