Dossier dopage

Le rééquilibrage hormonal


Partant du constat que la pratique sportive diminue le taux d'hormones, le rééquilibrage hormonal est la pratique consistant à prodiguer des hormones à un sportif pour lui faire retrouver son taux "normal". Ce concept est très controversé et peut être considéré comme un façon d'encadrer et de légaliser le dopage.

Contre le rééquilibrage hormonal

Christophe Bassons

"Je suis en désaccord avec les tenants du rééquilibrage hormonal qui prétendent que le haut niveau est une maladie et que les sportifs doivent se soigner en conséquence. À ceux-là, je répondrais que leur analyse qui prône une certaine mesure dans l'emploi de produits médicamenteux est une méconnaissance ou un aveuglement quant aux ressorts de la compétition qui sont résumés dans la maxime olympique : "Plus haut, plus fort, plus vite", bref toujours plus. Autoriser l'usage de médicaments dans le sport, c'est ouvrir automatiquement la porte à la surenchère meurtrière. Seule une prohibition peut aboutir à ce que le meilleur gagne. Cet apparent poncif est une vérité cardinale du sport, sans laquelle il est appelé à mourir dans le déshonneur.

"Il est moins dangereux d'avoir un hématocrite à 50 qu'un taux de 36 comme le tien", m'a répété Éric Ryckaert. Il a peut-être raison d'un point de vue médical mais tort d'un point de vue sportif Prendre de l'EPO dans ces conditions n'aurait pas été me soigner mais apporter ma contribution à une arnaque. Si j'achève certaines épreuves au long cours anémié, donc en effet malade, c'est que j'ai dû suivre des tricheurs. Je veux pouvoir regarder les gens dans les yeux, ne pas avoir l'impression de les duper quand je cours. Donner tout de moi-même mais seulement moi-même."

Source : Christophe Bassons - Positif
Christophe Bassons est ancien coureur professionnel, connu pour ses positions contre le dopage.
En savoir plus sur Christophe Bassons : son portrait


Daniel Baal

"Si je peux admettre que sur le principe un rééquilibrage sous contrôle médical peut donner un mieux-être au sportif, je suis contre car l'autorisation officielle ouvrirait la porte à toutes les manipulations, à tous les excès et toutes les tricheries."

Source : Les Dernières Nouvelles d'Alsace, 18/10/1999, cité dans le Dictionnaire du dopage, Jean-Pierre de Mondenard, page 968
Daniel Baal est ancien Président de la Fédération française de cyclisme.
En savoir plus : les livres de Daniel Baal, Droit dans le mur et Tour de France, rêves et réalités


Jean-François Quénet

"[Le] rééquilibrage hormonal constitue déjà en lui-même (...) une forme de dopage ; car la compensation endocrinienne envisagée conduirait artificiellement un coureur cycliste à surmonter l'état d'épuisement dans lequel les précédentes épreuves l'ont mis pour lui permettre de participer à la suivante lors même qu'il aurait dû normalement se reposer. Un tel rééquilibrage s'analyse encore plus comme un dopage pour deux autres raisons. La première, parce qu'un coureur pourra, dans une épreuve, puiser sans limite dans ses réserves sans penser à se ménager pour la compétition suivante dès lors qu'il saura qu'un supplément hormonal lui permettra d'être prêt. La seconde raison est que la saison cycliste dans son ensemble forme en elle-même une compétition puisqu'il existe un classement général qui porte sur toutes les épreuves de l'année."

Source : Jean-François Quénet - Le Procès du dopage - La Vérité du Jugement


Patrick Laure

"À cet égard, j'affirme fermement toute opposition à ce que certains appellent le "rééquilibrage hormonal". Ce rééquilibrage doit être naturel, le corps doit le générer lui-même; le rééquilibrage ne peut être réalisé artificiellement par injection de substances figurant sur la liste des produits interdits. Je peux comprendre que, parfois, on pourrait simplement apporter un mieux-être à l'athlète, mais on mettrait ainsi le doigt dans un engrenage infernal..."

Source : Patrick Laure - Le Dopage, page 127


Manfred Donike

En 1992, l'équipe Helvétia - La Suisse de Paul Koechli et Gilles Delion avait été choisie par le professeur de l'Université de Cologne, Manfred Donike pour mener des analyses sur les fluctuations du taux de testostérone lors de deux courses à étapes : Tour de France et Tour de Suisse. Cette étude démontrait que pour un coureur en bonne santé, ce taux n'était pas influencé par la répétition des efforts et qu'à partir de là toute notion de rééquilibrage était irrecevable.

Source : Sport et Vie n°51 - Novembre-Décembre 1998


Pierre Dumas

Il n'était pas encore question de "rééquilibrage hormonal" mais en 1960 déjà le Dr Pierre Dumas, médecin du Tour de France, utilisait une argumentation que reprennent aujourd'hui ceux qui s'y opposent : "Si l'on traite systématiquement un sportif en pleine compétition, c'est qu'il faut admettre que cette compétition le rend malade. Dans ce cas, il n'est pas capable de faire cet effort. Il doit s'en abstenir. Je me refuse à soigner à l'avance un sujet que la compétition rendra malade dans les heures suivantes."

Source : Roger Bastide - Doping - Les Surhommes du vélo, page 119


Pour le rééquilibrage hormonal

Docteur François Bellocq

Le jour où j'ai prêté serment pour devenir médecin, je me suis engagé à assister toute personne en danger. Or, la compétition de haut niveau est devenue invalidante. Voilà comment j'en suis venu à prôner le rééquilibrage hormonal, que j'ai présenté dans une thèse dès 1976.

A l'image d'un moteur de voiture qui nécessite eau, huile et essence pour tourner, l'organisme humain a besoin d'un équilibre électrolytique, métabolique et hormonal pour évoluer à son meilleur régime. Chez les sportifs, l'accumulation de la compétition, des heures d'entraînement et du stress détruit cet équilibre. Qu'il faut rétablir lors des périodes de repos. Sinon, on va au-devant de graves problèmes de santé. Le processus, toutefois, ne se produit pas tout seul. Il faut une intervention biologique. Ce qui est admis dans de nombreux pays. Mais, en France, on parle toujours des excès du dopage, jamais des manques hormonaux. Pis : on fait toujours l'amalgame entre dopage et rééquilibrage hormonal. C'est une hérésie. Le dopage consiste à donner à l'organisme tout ce qu'il ne possède pas naturellement. Cela n'a rien à voir avec ma méthode, fondée sur un bilan sanguin et urinaire une ou deux fois par mois, avant et après l'effort, pour déterminer les carences et trouver une parade adéquate. Plus un programme diététique très précis. C'est vrai, j'ai prôné et je prône l'utilisation d'une hormone naturelle (cortisone ou androgène) à dose physiologique, mais toujours de manière discontinue et uniquement quand les examens biologiques démontrent un manque ou une chute. Après tout, la pilule contraceptive, elle aussi, est un traitement hormonal. Comme celui de la ménopause.

Soyons sérieux, enfin ! Moi, quand j'ai recours au rééquilibrage hormonal, basé scientifiquement, avant et après sur des prises de sang régulières, des bilans hormonaux urinaires, c'est pour éviter aux champions de tomber mire les mains de ces charlatans qui traînent dans les vestiaires. Je connais les filières du dopage, et ce qui s'y passe n'est pas très joli...

Source : Docteur François Bellocq, L'Express 24 novembre 1989, cité dans Sport et dopage, page 38
Le Dr François Bellocq était un médecin du sport. Il a développé le concept de rééquilibrage hormonal.
En savoir plus sur François Bellocq : son portrait


Bernard Hinault

Répondant à la question "Certains médecins sont pour le rééquilibrage hormonal. Et vous ?" : "Oui, peut-être, à une seule condition, que ce soit strictement contrôlé."

L'Equipe 24/07/1999


Docteur Georges Mouton

Le Dr Georges Mouton est un médecin belge. Accusé de prescription et administration de produit dopant, il s'est défendu en affirmer pratiquer le rééquilibrage hormonal.
En savoir plus sur Georges Mouton : son portrait


Docteur Bruno De Lignières

Le Dr Bruno De Lignières est un endocrinologue français. Il est un des promoteurs du concept de rééquilibrage hormonal.
En savoir : Vive le dopage ? (Enquête sur un alibi) - Emmanuel Saint-Martin & Docteur Bruno De Lignières


Docteur Fucs

Le Dr Henri Fucs, médecin aujourd'hui oublié, officia dans le milieu du cyclisme professionnel des années 70, notamment aux côtés de Joop Zoetemelk.
En savoir : L'abcès - Henri Fucs


Les médecins "pro-rééquilibrage hormonal"

En effectuant et en analysant les entretiens [lors de la Conférence mondiale sur le dopage de Lausanne], nous en sommes venus à définir deux groupes de médecins, les " légalistes ", respectueux de la liste du ministère et les " atypiques ", pro-rééquilibrage hormonal. Ces derniers, au nombre de 7, non compris le feu docteur BELLOCQ et ses adjoints, pensent que le sport de haut niveau actuel est loin de contenir les vertus qui lui sont communément attribuées. Le sport intensif n'est plus la santé, n'est plus l'équité mais contient les vices inhérents à notre société. Ces " atypiques " se considèrent d'abord comme médecins et revendiquent une seule et unique éthique, l'éthique médicale. Leur priorité est la santé du patient, quel qu'il soit. Le sport n'est pas leur préoccupation. Le sportif de haut niveau étant en déficits hormonal et métabolique, il est donc préférable de le complémenter afin qu'il retrouve sa santé. Si ils regrettent la perte des valeurs du sport, ils réclament une certaine prise en compte de la réalité. Parallèlement à cela, on s'aperçoit qu'une majorité des ces médecins ont ou ont eu des opinions politiques plus ou moins marquées à gauche (travaillistes). Ils tiennent un discours de lutte des classes où seul le pauvre se fait prendre et subit les ravages du dopage car il utilise les produits de façon non scientifique.

Source : thèse de Christophe Brissonneau