Dossier dopage

Paris 2024 : le dopage génétique, une nouvelle forme de triche sous surveillance


05/07/2023 - lemonde.fr - Clément Martel et Nicolas Lepeltier

Les acteurs de la lutte antidopage assurent que le recours à la thérapie génique par les athlètes n'est pas à exclure. Pour les Jeux, le laboratoire antidopage français a été autorisé à procéder à des analyses pour rechercher ce type d'abus.

A leur manière, les acteurs de l'antidopage mondial pourraient faire de « qui veut la paix prépare la guerre » leur expression. C'est ainsi que, depuis vingt ans, l'Agence mondiale antidopage (AMA) fourbit ses armes au sujet du dopage génétique.

En France, le sujet a pris une résonance particulière en début d'année. Non pas qu'un cas ait été détecté (...). Mais, à travers le projet de loi dite olympique, adopté par le Parlement le 12 avril, le gouvernement a donné les moyens au laboratoire antidopage français, à Saclay (Essonne), de procéder à des analyses génétiques en cas de besoin.

« Une obligation », à un peu plus d'un an du coup d'envoi des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, a argumenté la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, fin mars devant les députés. (...)

Le dopage génétique consiste à modifier son patrimoine génétique afin de stimuler la production endogène d'une substance interdite, comme l'hormone de croissance ou l'érythropoïétine (EPO). Une méthode détournée de la thérapie génique, qui « consiste à introduire du matériel génétique dans des cellules pour soigner une maladie », selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.

« Imaginer la thérapie génique déviée à des fins de dopage dans le sport, la menace n'a fait qu'augmenter au cours des vingt dernières années », explique Olivier Rabin, directeur science et médecine de l'AMA. Et de prendre pour exemple la technologie de l'ARN messager (acide ribonucléique messager), avec laquelle ont été fabriqués les vaccins contre le Covid-19 lors de la pandémie. « Grâce à l'ARN messager, je peux vous injecter le codage pour l'EPO ou l'hormone de croissance, précise Olivier Rabin, qui travaille à l'AMA depuis 2002. Techniquement, je ne vous ai pas injecté l'EPO, mais l'ARN messager qui va permettre à votre machinerie cellulaire de coder pour l'érythropoïétine ; donc vous êtes dopés avec des moyens génétiques. »

Un temps d'avance sur les gendarmes

Si la technologie existe, les tricheurs vont s'y intéresser. Aussi, depuis les Jeux olympiques de Tokyo, à l'été 2021, l'International Testing Agency (ITA), qui supervise l'antidopage aux JO, a intégré le dopage génétique dans ses analyses. Mais sur les quelques dizaines de tests effectués à Tokyo, puis, début 2022, aux Jeux d'hiver à Pékin après des suspicions de dopage génétique, aucun ne s'est révélé positif pour le moment.

Pour autant, voir des athlètes « augmentés » par la thérapie génique prendre part aux Jeux olympiques relève-t-il de la science-fiction ? « Il est impossible de penser que le dopage génétique est une pure fiction, tranche Jérémy Roubin, le secrétaire général de l'Agence française de lutte contre le dopage. Surtout quand on voit les pratiques dopantes de certains Etats, qui, il y a quarante ans, se préoccupaient peu des risques. »

Interdit depuis 2003 par l'AMA, le dopage génétique est inscrit sur la liste des substances et méthodes prohibées. En 2013, dans un rapport, le sénateur (PS) de la Creuse, Jean-Jacques Lozach, évoquait « une menace déjà bien réelle ». L'AMA a développé nombre d'outils permettant de détecter ces abus, et travaille avec les laboratoires pour s'y adapter.

(...)

Chargée d'anticiper ce que sera le dopage dans cinq ou dix ans, l'AMA suit les évolutions de la science et de la pharmacologie, afin de développer au plus vite les méthodes permettant de s'adapter aux nouvelles pratiques ou substances dopantes – la fondation révise chaque année sa liste de produits interdits.

« On a des craintes sur l'administration de substances interdites microdosées, rapidement excrétées par l'organisme, sur les transfusions de sang autologue [se réinjecter son sang “traité”], également très difficiles à détecter, ou sur le dopage génétique, expose Benjamin Cohen, directeur général de l'ITA. Dans la lutte antidopage, il faut savoir rester humble. » Et se préparer au pire.


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Cette page a été mise en ligne le 23/01/2025