Dossier dopage

Qu’est-ce que le programme Quartz, qui va plus loin que l’Agence mondiale antidopage ?


27/09/2022 - ouest-france.fr - Chloé Rebaudo

Le programme Quartz est une politique de santé, dédiée aux athlètes mais aussi présente sur certaines courses, dont l’UTMB. Ses interdictions vont plus loin que celles de l’Agence mondiale antidopage (AMA). Retour sur ce programme avant la plus grosse semaine de trail au monde, qui se déroule fin août à Chamonix.

Le Français Pierre Sallet est à l’origine du programme Quartz, créé en 2006, qui entend lutter contre le dopage dans le sport. L’objectif initial était d’attirer l’attention du grand public sur la santé des athlètes – des coureurs, en premier lieu – afin que ceux-ci se montrent transparents dans leur pratique sportive. Le programme possède deux branches : conseil sur des événements, mais aussi tourné vers les athlètes de haut niveau, sur la base du volontariat de ces derniers. Quartz n’effectue toutefois pas lui-même de contrôle antidopage et n’a pas de pouvoir de coercition. En 2021, trois tests étaient revenus « anormaux » lors de l’UTMB.

Qu’est-ce que c’est le programme Quartz ?

C’est un programme qui se veut être une politique de santé. Il possède deux branches principales : Quartz Event, c’est-à-dire qu’il est présent sur des événements, comme l’Ultra trail du Mont-Banc (UTMB), pour lequel il est conseil de par son expertise, ou les Golden Trail World Series. Cela vient de la volonté des organisateurs de mettre en place une politique de santé sur leur course. L’autre branche, Quartz Elite, est tournée vers les athlètes professionnels ou de haut niveau.

Quelle différence avec l’antidopage ?

Sur les événements, la politique antidopage est gérée par l’organisateur. Elle doit être organisée avec des tiers compétents : une autorité qui va décider de la mise en place de tests, une autorité de contrôle (qui va réaliser ces tests), ce que n’est pas le programme Quartz. Une autorité de contrôle (l’AFLD par exemple, en France) peut spontanément décider de venir sur des événements, c’est même obligatoire pour certains cas. Ou bien, l’organisateur peut de lui-même, étant donné l’importance de l’événement, décider d’organiser des contrôles antidopages.

« En théorie, selon l’Agence mondiale antidopage, l’AMA, est considérée comme dopante toute substance ou méthode qui répond à deux des trois critères suivants, énonce Samuel Maraffi, médecin du sport. Une molécule qui améliore la performance, une molécule qui est dangereuse pour la santé, une molécule qui est contraire à l’éthique sportive. »

Le programme Quartz vient ajouter certaines substances aux interdictions des instances de contrôles antidopages (qui dépendent de celles prohibées par l’AMA, que ce soit pendant ou hors compétition). Les sportifs considérés comme professionnels par leur fédération doivent remplir des informations de géolocalisation via le logiciel Adams. Ils peuvent ainsi faire l’objet de contrôles inopinés.

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Pourquoi Quartz va plus loin

« Le trail running est un événement spécifique et pour nous, un certain nombre de substances ne sont pas compatibles avec le fait de courir en montagne pendant plusieurs heures, parce qu’elles sont un risque pour la santé », explique Pierre Sallet, président de l’association Athletes for Transparency, qui met en place le programme Quartz. C’est par exemple le cas des AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens), dont le but est de supprimer une inflammation. « La prise d’AINS implique un risque d’insuffisance rénale. Si la course se déroule un jour où il fait chaud, il y a déjà un phénomène de déshydratation avec la température externe. La durée de la course accentue le phénomène, et si on prend ces médicaments, vous pouvez aller de l’insuffisance rénale à la perte d’un rein. C’est pour cette raison qu’ils sont interdits. »

C’est aussi le cas du Tramadol « qui devrait être interdit sur la liste de l’AMA en 2023 » (dixit Pierre Sallet) mais qui ne l’est pour l’instant pas. « C’est un analgésique qui va entraîner des pertes de vigilance et ce n’est pas bon quand vous êtes sur un trail en montagne. » Entre prise de médicaments pour améliorer les performances ou médicaments pour se soigner, la ligne est parfois mince. (...)

Des interdictions émises par le Programme Quartz sur une course, mais pas par les autorités antidopage, donc. Ainsi, chaque coureur souhaitant participer à une course où le Programme Quartz est présent doit adhérer à ces règles. « Je pense que c’est une goutte d’eau dans un océan On peut largement passer à côté. Et quand on voit que beaucoup de tricheurs arrivent à passer à travers les mailles du filet antidopage dans des sports beaucoup plus contrôlés Il faut se dire que les mailles du filet antidopage en trail sont très (trop) larges De parole de coureur, la lutte antidopage dans le trail est très mineure, très modeste. Elle demande à être améliorée. » Samuel Maraffi souligne aussi la différence entre les élites et la masse de coureurs. Pour beaucoup de ces derniers, l’essentiel sera de terminer la course, d’où la prise de substances, les AINS (antidouleurs, antivomitifs, antidiarétiques, etc), qui peuvent être dangereux pour la santé.

C’est d’ailleurs ce que démontre l’article scientifique : « La prise de médicaments et de compléments alimentaires chez l’ultra-trailer compétiteur durant la préparation du Grand Raid 2015 de l’île de La Réunion » (2017), qui indique que dans un questionnaire proposé à des participants d’une des trois courses du Grand Raid 2015,1691 ont accepté de répondre. 21,2 % ont répondu avoir consommé des médicaments en phase de préparation, et 31,6 % lors d’une course préparatoire. Cela est dans près de 60 % des cas de l’automédication. En phase de préparation, « il s’agissait majoritairement d’antalgiques et d’anti-inflammatoires et dont la finalité invoquée était la « lutte contre la douleur »», peut-on par exemple lire. Se pose alors la question relative à ce sport, le trail étant par essence une discipline où la douleur est une partie inhérente de la pratique.

Quels contrôles pour le Programme Quartz ?

Sur certaines courses, telles que celles de la semaine de l’UTMB, les coureurs doivent transmettre certaines données médicales (traitements, antécédents, etc). Les athlètes considérés comme Élite doivent eux-mêmes réaliser les démarches pour effectuer des analyses à J-30 et J-1 de leur course. « Dans les analyses avant la course, si on a un profil qui, médicalement, nous pose des difficultés, pour des raisons de santé, on est aussi en capacité de pouvoir les interdire de prendre le départ, expose Pierre Sallet. On fait beaucoup de matrices (cheveux, urine, salive, etc). Les athlètes sont informés et ça ne nous pose pas de difficulté, au contraire. »

Les Élites sont ensuite testées après la course mais les tests ne sont pas effectués par le programme Quartz. « La recherche des produits en eux même se fait uniquement à l’arrivée, donc si vous les prenez pendant la course, il faudrait un sacré washout pour qu’on ne trouve pas de trace à l’arrivée, souligne Pierre Sallet. Et si vous les utilisez avant, nous on regarde la manière dont le profil est perturbé. » « En moyenne, avant les courses, on va tester 200 coureurs (les Élites, les podiums, les top 10 ou 20 sur la semaine de l’UTMB) parce que l’idée est de dire que si les Élites arrivent à être exemplaires, ce devoir d’exemplarité peut influencer la masse dans laquelle on sait que l’usage de certaines substances, comme les anti-inflammatoires, est plutôt massif. »

Lors des contrôles post-courses, si un test revient positif, comme les trois contrôles « anormaux » sur l’UTMB 2021, le Programme Quartz ne peut avoir un pouvoir de sanction pénale ou judiciaire. Dans le cadre de cette politique de santé, des discussions sont établies avec les athlètes en question avant qu’une commission de santé ne se réunisse et statue. Sa décision est ensuite transmise au directeur de course, qui prend la décision finale. Celle-ci peut aller de l’information au déclassement. Ils peuvent aussi prévenir les autorités antidopages adéquates.

Proposer une vision différente du sport

Le Programme Quartz veut se baser sur les Jeux de Paris pour faire adhérer l’ensemble des pratiquants, grâce aux athlètes participants aux JO, à sa vision, à savoir ne pas utiliser de médicaments. « Si tu es blessé ou malade, tu te soignes et tu ne vas pas en compétition même si c’est la finale des Jeux, abonde Pierre Sallet. C’est vraiment un programme d’éducation, de prévention et essayer d’avoir des athlètes Élite qui puissent affirmer qu’ils ne se dopent pas et qu’ils n’utilisent pas des substances dans les zones grises de la liste de l’AMA (qui ne sont pas sur la liste ou cumulé avec des Authorisation à des fins thérapeutiques, les AUT). »


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Cette page a été mise en ligne le 28/09/2022