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Bibliographie |
Laurent Fignon a écrit ce livre avant la découverte de son cancer. Ses aveux de dopage aux amphétamines et aux corticoïdes, on ne les trouvera guère dans ce livre. Les amphétamines ? Il impute son contrôle positif au Grand Prix de Wallonie en 1987 à une manipulation du laboratoire. Tout juste admet-il avoir succombé à quelques jours du Grand Prix d'Eindhoven en 1989, un jour de déprime, face à son vélo, avant de partir s'entraîner. Mais il n'explique pas la présence " miraculeuse " de ces amphétamines dans son garage. Pour les corticoïdes, il faut lire entre les lignes ou, plus sûrement, se reporter à ses déclarations dans la presse.
Les révélations sur le dopage promises par la quatrième de couverture ? Il y en a, oui. Mais surtout sur le dopage des autres : le dopage artisanal des années 1980, l'avènement de l'EPO au début des années 1990... Contrairement à Bernard Hinault (dont il prend un malin plaisir à rappeler qu'il s'entrainait fort peu), Laurent Fignon admet que la discrétion des coureurs français, ces dernières années, s'explique en partie par la sévérité des contrôles dans l'hexagone.
Laurent Fignon s'aime bien. On ne peut le lui reprocher. La modestie ne fait pas partie de la panoplie des champions. Il aime à se présenter comme une grande gueule. Ce n'est pas le côté le plus déplaisant de sa personnalité. Mais c'est aussi ce qui rend ce livre décevant, car on aurait aimé lire dans ce livre ce qu'on n'a pu lire que dans la presse. Pourquoi ne pas avoir vraiment parlé des corticoïdes ? Pourquoi ne pas avoir expliqué ce que faisaient ces amphétamines à portée de sa main ? Pourquoi laisser croire que cet épisode fut la seule entorse ? On veut bien lire entre les lignes. Mais d'une grande gueule, on peut attendre autre chose.
Laurent Fignon et son co-auteur, Jean-Emmanuel Ducoin, ont beaucoup lu. Ils savent écrire et c'est tant mieux. Dommage qu'ils connaissent mal l'usage des guillemets qui auraient permis de rendre à Philippe Bordas la formule " de mon temps, les formes de dopage étaient dérisoires et les exploits étaient considérables ; depuis une quinzaine d'années, c'est tout le contraire, les formes de dopage sont énormes et les exploits, eux, sont dérisoires ". Pour Philippe Bordas, " Les dopages étaient dérisoires, les exploits énormes. Que penser de ce dopage devenu énorme, de ces exploits dérisoires ? ".
Au final, il reste un livre plaisant à lire, au doux parfum de nostalgie. Oui, le cyclisme, c'était mieux avant et il manque des champions de la trempe de Laurent Fignon. On le suit volontiers dans nombre de ses analyses. Mais on attendait autre chose d'un livre qui débute par cette phrase : " nous n'avions peur de rien ".