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51,151 km dans l'heure. Pour oser, il ose.


25/04/2019 - Giro - Pierre Carrey

Pour oser, il ose. Le tsar du Trentin, 33 ans, trottait vers un triste déclin. Sa renaissance en 1984 laisse le peloton sidéré et circonspect. Le 19 janvier, sur la piste de Mexico, devant 300 admirateurs italiens venus en charter (...), Francesco Moser porte le record de l’heure à 50,808 kilomètres. Eddy Merckx en était resté à 49,431 kilomètres en 1972. Quatre jours plus tard, le rouleur surgonflé a le bon goût de faire une seconde tentative : 51,151 kilomètres. Le « Cannibale » est livide : « Moser a été aidé par les médecins et les nouvelles technologies. » Giuseppe Saronni va dans le même sens, quitte à situer le firmament de son adversaire là où celui-ci semblait bon pour la retraite : « Le meilleur Moser que j’ai rencontré, c’était en 1982, 1983. Le Moser suivant est différent, il avait recouru à des méthodes d’entraînement qui l’ont favorisé. Le vrai Moser, c’est 82-83. Puis, il y a eu une renaissance et les fruits d’un travail différent. »

Le vieux « Cesco » a confié son corps, son emploi du temps et son équipement à des scientifiques de grand talent. Il commence à travailler avec un entraîneur polonais après son échec du Giro 1979, choisissant de s’entraîner à l’abri des regards, en fonction de son taux d’hémoglobine qu’il mesure compulsivement. Il ne s’intéresse pas aux jambes, à l’acide lactique, mais au sang, donc aux transfusions – il l’avouera après coup. Pour son record, il est pris en main par le professeur Francesco Conconi, le maestro de l’université de Ferrara, le docteur Michele Ferrari, qui deviendra le praticien de son équipe, le docteur Giovanni Tredici, médecin officiel du Giro depuis le début des années 80, le physiologiste Aldo Sassi, qui mettra en place le centre d’entraînement de l’équipe Mapei dans les années 90, entre autres blouses blanches. Sa diététique détonne également, éloignée de ses sponsors, les glaces Gis et les biscuits apéritif Tuc : peu de viande, beaucoup de glucides, dont on le prive parfois pour produire les effets d’un « régime dissocié scandinave », une alimentation volontiers liquide, autant pour soulager le système digestif que complaire à la marque Enervit, mécène de ce record. Son petit déjeuner quatre heures avant de pulvériser le record : un sachet d’agrumes additionnés de vitamines C et de fructose, trois cuillerées de céréales mélangées à de la farine de froment et de noisette, des tartines de miel, malt et lait en poudre, dix grammes d’un condensé chimique à base de fruits, cinquante grammes de riz bouilli avec miel et confiture, et cependant deux verres de jus de fruit naturel... Sa machine possède deux roues pleines, une de large circonférence à l’arrière, une plus petite à l’avant – l’inverse d’un grand bi ! Sa panoplie comprend aussi le cardiofréquencemètre, qui lui indique les pulsations cardiaques à l’entraînement et lui permet d’adapter l’effort. Ces méthodes révolutionnaires seront répliquées sur le Tour d’Italie quatre mois plus tard, ce qui justifiera ce titre dans L’Équipe, « Une victoire de la science », et poussera les autres leaders du peloton à adopter une préparation Frankenstein.


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Cette page a été mise en ligne le 24/02/2020