Actualité du dopage

Le cauchemar hollandais

03/07/2013 - lemonde.fr - Stéphane Mandard

"Il est mort ! Il est froid, il est froid. J'ai si peur ! Oh, mon Dieu, oh mon Dieu !" A l'aube du 27 février 1990, Kathy LeMond, l'épouse du champion américain, est arrachée de son sommeil par un coup de téléphone. Il est 4 h 30 du matin. A l'autre bout du fil, une autre femme de coureur, Anna-Lisa Draaijer, crie et pleure à côté du corps sans vie de son mari, couché dans son lit. Johannes Draaijer avait 26 ans.

Sept mois plus tôt, l'espoir du cyclisme hollandais avait terminé 130e de son premier Tour de France, très loin de Greg LeMond qui coiffait sur le fil Laurent Fignon pour ravir sa deuxième Grande Boucle. Avec ses aînés Gert-Jan Theunisse et Steven Rooks, il remportait surtout le classement par équipe au sein de la redoutable et redoutée PDM.

Greg LeMond, qui gagnera son dernier Tour en 1990, a porté les couleurs de la formation néerlandaise une saison, en 1988, l'année des débuts professionnels de Johannes Draaijer. Anna-Lisa est américaine, comme Kathy. Les deux couples dînent de temps en temps ensemble et la jeune Anna-Lisa, qui découvre le monde du vélo, se confie à son aînée. Un soir, elle lui explique que Johannes est extrêmement fatigué, que PDM a décidé de lui faire suivre un traitement hormonal parce qu'il aurait une déficience en testostérone.

(...)

L'autopsie concluera à un arrêt cardiaque sans établir les causes du décès. "Johannes est mort avec le coeur d'un vieil homme de 70 ans, il était déchiqueté", confiera aussi Anna-Lisa à Kathy (...). Quelques mois plus tard, c'est au magazine allemand Der Spiegel que la veuve de Johannes Draaijer réserve ses confidences : "Il a pris de l'érythropoïétine. J'espère que sa mort servira d'avertissement pour les autres sportifs."

A la suite du décès de Draaijer, la Fédération néerlandaise de cyclisme se décide enfin à ouvrir une enquête. Car la mort brutale du coureur de PDM n'est pas un cas isolé. Avant lui, six autres jeunes professionnels sont décédés dans des conditions similaires. Ainsi de Connie Meijer, médaillé de bronze aux championnats du monde en 1987, mort l'année suivante à 25 ans pendant un critérium à Naaldwijk, ou de Bert Oosterbosch, vainqueur de trois étapes du Tour de France en 1980 et 1983 et également mort d'un arrêt cardiaque pendant son sommeil en 1989, à 32 ans, lors du critérium de Bladel.

Dix ans plus tard, se tient le procès de l'affaire Festina qui avait révélé, en plein Tour de France 1998, le dopage organisé à l'EPO. Devant le tribunal correctionnel de Lille, le président néerlandais de l'Union cycliste internationale (UCI), Hein Verbruggen, soutient que "sur sept morts, quatre ont été expliquées médicalement après enquête de la fédération néerlandaise, trois sont restées inexpliquées". Pourtant, dès 1991, une étude du très respecté New England Journal of Medecine concluait que la prise d'EPO avait pour effet d'épaissir le sang et pouvait être "responsable de thromboses mortelles" chez les sportifs. (...)

En 1992, l'intégralité de l'équipe PDM se retira du Tour en pleine épreuve. Officiellement, pour cause d'intoxication alimentaire. "Nous avons quitté cette équipe parce qu'elle promouvait le dopage", témoigne aujourd'hui Kathy LeMond sur le blog de son mari. La mort de Johannes Draaijer aura été "notre première expérience avec les pires conséquences d'une vie de dopage. Ça ne s'arrêtera pas là et Greg perdra d'autres coéquipiers dans le dopage et la dépression."


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Notre post-scriptum

Contrairement à ce qui est indiqué dans l'article, la gastro de l'équipe PDM date de 1991 et non 1992.


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Cette page a été mise en ligne le 04/09/2013