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Actualité du dopage |
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Les parents de Fabrice Salanson ne peuvent se résoudre à l'hypothèse de la mort "naturelle" de leur fils, un jeune coureur (23 ans) de l'équipe Brioches-La Boulangère, mort d'un arrêt cardiaque dans son sommeil (...) le 3 juin 2003. C'est pourquoi ils ont saisi la justice. Fin décembre, Mireille Cadenat, le procureur de La Roche-sur-Yon (Vendée) a répondu à une partie de leurs attentes en ouvrant une information judiciaire contre X pour "homicide involontaire et mise en danger d'autrui". (...)
Le doute s'est inscrit dans l'esprit des parents de Fabrice lorsqu'ils ont découvert, en octobre 2003, dans les effets personnels de leur fils, un bilan médical daté du 12 mai faisant apparaître des résultats "anormaux". Pratiqué au service de médecine du sport du CHU de Nantes - qui suit régulièrement les coureurs de La Boulangère -, ce "bilan de surveillance entraînement intensif" relève un "électrocardiogramme anormal" [interrompu] à 49 km/h" et recommande de "prévoir un bilan biologique".
"Les cardiologues que j'ai consultés estiment qu'à partir des résultats de ce bilan auraient dû être pratiqués des examens complémentaires, telle une échographie du coeur, afin de détecter une éventuelle pathologie comme le syndrome de Brugada, dont une des conséquences est la mort subite, explique Didier Domat, l'avocat de la famille Salanson. En dépit du bon sens, qui aurait voulu que, par précaution, on mette Fabrice au repos et qu'on vérifie sa cardiorythmie, rien n'a été fait."Ce qui fait dire à Me Domat qu'"il y a eu un manquement quelque part". Pour le déterminer, l'instruction devrait chercher à établir qui, outre Fabrice Salanson, a eu connaissance du bilan de santé du 12 mai.
Selon un courrier adressé le 27 novembre par le CHU de Nantes aux parents du coureur et dont Le Monde s'est procuré une copie, "le compte-rendu de bilan médico-physiologique" a été transmis au médecin de l'équipe, à celui de la Fédération française de cyclisme (FFC) et du comité régional Pays de la Loire. Le médecin fédéral, Armand Mégret, n'a pas souhaité s'exprimer sur ce sujet mais, selon Didier Domat, il n'aurait pas reçu ce bilan.
Le médecin du comité régional des Pays de la Loire, Michel Prévot, assure n'avoir rien reçu non plus : "Je ne vois pas pourquoi je l'aurais eu car je ne m'occupe pas de la catégorie Elite 1, à laquelle appartiennent les coureurs de La Boulangère." "C'est au CHU de démontrer cette incohérence qui, à défaut d'une manoeuvre frauduleuse, dénote une absence totale de sérieux", commente Didier Domat. Michèle Potiron-Josse qui, en tant que chef du service de médecine du sport du CHU de Nantes, a "vu les coureurs de La Boulangère plusieurs fois en 2003", n'a pas souhaité faire de commentaires. (...)
"Nous attendons sereinement l'instruction, a réagi son directeur général, Philippe Raimbaud. Nous n'avons pas grand-chose à dire si ce n'est qu'il ne se passe pas un jour sans que nous ne pensions à Fabrice et que nous partageons la douleur de la famille." Les dirigeants de La Boulangère indiquaient, fin novembre 2003, qu'" aucun des examens médicaux pratiqués n'avait généré de contre-indication à la pratique du sport".
"Quatre-vingts pour cent des sportifs de haut niveau ont des "anomalies" ou des "atypies" dans leurs bilans de santé, c'est une question de vocable, explique Dominique Bossard, médecin de La Boulangère depuis 2003. Si on devait tous les arrêter, il n'y aurait plus personne sur les terrains de sport." Le docteur Bossard rejette la responsabilité sur le CHU de Nantes. "C'est le médecin qui pratique l'examen médical qui est seul à même de juger si l'"anormalité" constatée nécessite des examens complémentaires et de les enclencher", affirme-t-il.
"Fabrice était un sujet dont il fallait se préoccuper", assure Didier Domat, qui explique avoir retrouvé des examens médicaux faisant apparaître des troubles de la repolarisation sur les électrocardiogrammes (symptôme d'une possible insuffisance cardiaque) pratiqués sur le coureur depuis 1995. Selon nos informations, le CHU de Nantes aurait à plusieurs reprises recommandé à l'espoir français de faire des examens complémentaires. Le coureur n'en aurait pas tenu compte.
Depuis novembre 2002, Fabrice Salanson s'était par ailleurs attaché les services d'un préparateur personnel, Benoît Nave. " Fabrice se sentait livré à lui-même au niveau de la planification de l'entraînement et de la préparation physique et son équipe refusait qu'il recoure à un soutien extérieur", explique Benoît Nave qui travaillait avec le coureur dans la confidentialité.
(...) Benoît Nave a "une réputation sulfureuse", commente l'un de ses confrères, qui se souvient qu'en 1997 un de ses protégés, le champion d'Europe 1995 de cross-country, Jean-Christophe Savignoni, avait été mis à pied la veille des championnats du monde de VTT pour un taux d'hématocrite supérieur à 50 %.
A Dresde, l'autopsie pratiquée sur Fabrice Salanson avait exclu la piste du dopage et conclu à un décès pour cause " naturelle".