Actualité du dopage



Peine au finish pour un trafiquant d'EPO

06/12/2003 - Libération - Blandine Hennion

Cet ancien cycliste professionnel a revendu la bagatelle de 380 ampoules d'EPO à quatre cyclistes professionnels, pendant trois ans, entre 1996 et 1998. (...) Le tribunal correctionnel de Grasse (Alpes-Maritimes) a condamné, mercredi, René Foucachon à huit mois de prison avec sursis et 7 000 euros d'amendes pour cession d'EPO entre 1996 et 1998. Un jugement qui intervient plus de cinq ans après les faits. Et surtout, trois ans après celui de l'affaire Festina qui avait révélé au grand public la généralisation du dopage aux hormones peptidiques dans le peloton.

(....) Aujourd'hui, René Foucachon est un entrepreneur en maçonnerie âgé de 37 ans. Cet ancien cycliste professionnel n'a pas laissé un souvenir impérissable dans le vélo. (...). Pendant huit ans, René Foucachon a vécu dans la péninsule. Il a rencontré à Bologne un «dottore» dont il n'a jamais voulu donner le nom. Ce dernier lui délivrait les ordonnances d'EPO, qu'il achetait en pharmacie. «C'était courant de se doper pour faire des performances», précisera-t-il à l'audience. Au total, il a tout de même revendu la bagatelle de 380 ampoules d'EPO à quatre cyclistes professionnels, pendant trois ans, pour de grandes courses comme Paris-Nice ou le Giro en 1997.

Par son ampleur, l'affaire aurait fait grand bruit, si la justice pénale avait pu élucider plus rapidement ce trafic. D'autant que les quatre coureurs, à qui Foucachon a déclaré avoir vendu l'EPO, sont, pour certains, fort connus du grand public : Pascal Lino, ancien maillot jaune du Tour, vainqueur d'étape en 1993, Franck Morel, Pascal Peyramaure et Jean-Jacques Henry. (...)

(...) Cette lenteur de l'action judiciaire s'explique facilement. C'est par une lettre anonyme adressée à la FFC en mars 1998, trois mois avant le scandale Festina, que l'affaire a débuté. La FFC a transmis la missive au parquet de Grasse car Foucachon, désigné comme trafiquant, était domicilié dans les environs. «L'ancien coureur ayant déménagé, la justice n'a pu le localiser et l'interpeller que l'année suivante», explique le procureur. Il avoue son trafic et les quatre destinataires qui, tous en activité au moment des faits, sont entendus. «Tous reconnaissent l'usage d'EPO sauf Pascal Peyramaure, en fin de carrière dans le cyclisme amateur, qui dément énergiquement», raconte maître Roberty.

«A quoi bon révéler ces choses aujourd'hui», s'exclame Jean-Jacques Henry, ex-coureur pro chez Festina en 1994, puis chez Big Mat Auber jusqu'en 1997. Deux équipes où il a côtoyé Pascal Lino : «Cela rajoute des noms de cyclistes dopés qui n'étaient pas dans le dossier Festina. Mais ces faits, antérieurs, ne nous apprennent rien. Il faudrait plutôt s'intéresser à ce qui se passe aujourd'hui dans le peloton en matière de dopage.» Jean-Jacques Henry était dans l'encadrement de l'équipe Big Mat jusqu'à cette année où le sponsor a jeté l'éponge. A 36 ans, il envisage de reprendre des études.

(...) Certains clients de Foucachon ont toutefois continué à écumer les pelotons bien après 1998. Peyramaure n'a raccroché que l'année dernière après plus de douze ans de carrière amateur. «J'ai couru avec lui en équipe de France en junior en 1984. Il n'a été pro que deux ans», poursuit Jean-Jacques Henry. Mis en examen dans l'affaire Sainz-Lavelot en 1999 à Paris, Peyramaure avait obtenu un non-lieu. Quant à Pascal Lino, il n'a arrêté le vélo chez Festina qu'après les championnats du monde de Lisbonne en 2001, deux ans après sa suspension de deux mois pour une ordonnance de corticoïdes. En juillet, il était chauffeur de la société du Tour. Lino, qui passe pour être l'informateur masqué des années EPO, se cachait, vendredi, derrière son répondeur.


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