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Actualité du dopage |
Est-ce la répétition des interrogatoires des 41 prévenus de l'affaire du pot belge, menés tambour battant par la présidente du tribunal ? Toujours est-il que la gangrène qui mine le vélo a pris toute sa consistance lors de la deuxième journée des débats, hier, au tribunal correctionnel de Poitiers. S'il est vrai que l'exemple doit venir d'en haut, on notera tout d'abord que pas moins de trois prévenus, cités pour consommation voire trafic d'amphétamines, donc de stupéfiants, sont d'anciens présidents de club cycliste. Albert Bigot, ancien militaire et ancien coureur, a dirigé le club de Bressuire (Deux-Sèvres). Au pot belge, il avoue avoir goûté «pour voir ce que cela faisait». Il savait que deux de ses coureurs en prenaient. Il a acheté deux pots à Patrick Ossowski. (...).
Albert Bigot, lui, se dit débordé par son rôle de gestionnaire. «Le rôle d'un président, c'est de trouver de l'argent pour faire vivre son club.» Il ne faut pas demander à ce militaire en retraite de faire de la prévention du dopage chez les jeunes coureurs. «C'est un tabou dont on évite de parler.» (...) «Un cycliste qui se dope, on s'en débarrasse pour éviter le scandale.»
Eric Broussart a dirigé, de 1989 à 1992, le club de Meudon (Hauts-de-Seine). Cet ancien cycliste amateur prenait déjà des corticoïdes dans les années 80, «pour suivre». Il est devenu président de club à la suite d'une suspension pour dopage. «En 1988, dans une course en Normandie, on m'a déclaré positif simplement parce que je n'avais pas fini.» Sa vengeance: revenir dans le vélo par la grande porte en fondant son propre club! La ville de Meudon lui a offert son premier budget avant que Patrick Charron, «un ancien grand coureur que j'appréciais malgré sa condamnation pour trafic d'amphétamines aux 6 jours de Bercy», lui présente un nouveau sponsor.
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Parmi ses gros clients, Claude Deschamps, à qui il reconnaît avoir vendu vingt fioles en 1995. Ce dernier a présidé trois ans le vélo-club vendômois, avant d'officier dans l'équipe professionnelle Mercier. Deschamps lui achetait la potion magique 1.200 à 1.400 francs la fiole de 8 milligrammes avant de trouver un approvisionnement plus direct et moins cher par Charron ou par la filière polonaise de l'ancien coureur Korycki, rencontré au restaurant d'Eric Broussart à Boulogne-Billancourt. Agé aujourd'hui de 66 ans, Deschamps reconnaît avoir acheté 370 pots belges. (...).
La gangrène du dopage version pot belge a bien sûr un fort goût de mafia. Jean-Charles Maffre, ancien coureur de la fédération corporatiste, consommateur puis revendeur de pot belge, a acheté pour 230.000 francs de 1993 à 1998 de produits à Charron. Il a fait un mois de préventive en août 1999. «Quand j'étais en prison, Charron est venu voir ma femme pour la menacer, lui dire que je ne parle pas», accuse-t-il. (...). Alain Bizet, l'ancien copain de Marc Madiot qui l'avait embauché pour s'occuper de la logistique à la Française des Jeux en 1996, a été coureur professionnel en 1983 dans l'équipe belge Fangio, puis chez Coop en 1984. Licencié en 1997, il est tombé dans le pot belge pour compenser. «Dans d'autres métiers, les produits s'appellent alcool ou tabac. Dans le vélo, c'est le pot belge.»
Une évidence qui rend méfiant Christophe Le Roscouët, ancien pro d'Aubervilliers en 1994-1995. Cet utilisateur de pot belge dans les critériums, «car c'est du spectacle, sans contrôle antidopage puisque le gagnant est connu à l'avance par contrat avec l'organisateur», ne veut pas que son fils, 10 ans, monte sur un vélo. «La Fédé fait un réel effort de lutte antidopage depuis l'affaire Festina. Mais la gangrène va reprendre.» Parole de fils de coureur dont le père se dopait déjà.
Les prévenus de l'affaire du Pot Belge et le verdict : liste complète en cliquant ici.
Cette page a été mise en ligne le 18/11/2006